Chef-d’oeuvre onirique pour pléiade de talents

Une scène de «A Midsummer Night's Dream» avec  Lila Duffy et Dominic Veilleux
Photo: Andrew Dobrowolskyj Une scène de «A Midsummer Night's Dream» avec  Lila Duffy et Dominic Veilleux

L’Université de Montréal (UdeM) n’a pas choisi la facilité pour son spectacle lyrique 2017-2018. Le songe d’une nuit d’été de Britten est une oeuvre complexe du point de vue des intonations et des textures. L’argument colle étroitement à la pièce de Shakespeare. Obéron, le roi des elfes, et Titania, la reine des fées, se disputent les services d’un page indien. Aucun ne voulant céder, leur querelle bouleverse l’équilibre naturel du monde.

Obéron charge en effet le lutin Puck (rôle parlé) de cueillir une herbe magique dont le suc versé sur des paupières fermées rend au réveil la personne amoureuse du premier être aperçu. Ce traitement déclenchera des quiproquos à divers niveaux dans une forêt où se retrouvent trois types de personnages : des fées, avec leur reine Titania, des amoureux (Lysandre et Hermia ainsi que Démétrius qui poursuit Hermia et Hélène, à la chasse de Démétrius), ainsi que des artisans assez benêts répétant une pièce de théâtre qu’ils comptent présenter au mariage du duc d’Athènes, Thésée, avec Hippolyte, la reine des Amazones.

Une adaptation

 

La caractéristique principale, au niveau musical, de la représentation de l’UdeM est d’évidence le remplacement du contre-ténor par une mezzo dans le rôle d’Obéron. Fallait-il ne pas monter Le songe d’une nuit d’été parce que l’UdeM n’a pas de contre-ténor en rayon ? Je ne pense pas, mais l’équilibre sonore et les couleurs sont très radicalement modifiés, puisque cet ouvrage est l’un des premiers composés au XXe siècle à destination d’un contre-ténor dans un rôle majeur, puisque Britten avait spécifiquement conçu Obéron pour Alfred Deller. Cela dit, Florence Bourget est une chanteuse à suivre : c’est un mezzo grave de type Michèle Losier, une voix assez rare.

C’est d’ailleurs la surprise de cette production : la constellation de chanteurs remarquables, tout à fait impressionnante. L’émission nette, quoique parfois légèrement fatiguée, de la soprano Lila Duffy (Titania) ; la belle et intelligente présence du couple formé par Emmanuel Hasler (Lysander) et Camille Brault (Hermia) ; le formidable aplomb de Bethany Ingraham (Helena) et du baryton Dominic Veilleux (Bottom) ; l’excellent Quince de Simon Chalifoux et le Flute très typé de Guillaume Beaudoin (à distribuer d’office en Triquet si un Onéguine est en vue quelque part). Il est fort rare de constater pareille constellation, surtout dans un ouvrage aussi notoirement difficile. C’était un défi, car il y a beaucoup de personnages dans Le songe et ils ont tous un rôle à jouer.

Simplicité et efficacité

 

La réussite du Songe d’une nuit d’été doit beaucoup à Jean-François Rivest et à un orchestre d’un bon cru, surtout dans les vents. Le chef s’est beaucoup agité pour motiver et accorder tout le monde. Il a pris beaucoup de plaisir à mettre en lumière l’orchestration très parlante de Britten, car l’humour de l’opéra se passe aussi à l’orchestre.

Le dispositif des opéras à l’UdeM est maintenant bien rodé, avec un promontoire au-dessus des instrumentistes. La profondeur est faible, mais la marge de manoeuvre très respectable, avec des dégagements vers l’arrière, sur les côtés à l’avant et par le bas. Oriol Thomas a bien utilisé cela, pour faire alterner les scènes avec les uns et les autres provenant d’univers différents, ce qui est toujours très délicat à rendre dans Le songe d’une nuit d’été. Je me suis tout de même demandé tout au long de la soirée pourquoi le rôle du lutin malicieux Puck — un rôle parlé, qui plus est — avait dû être distribué à l’étudiante la plus grande (ou presque) de la promotion. Même si Mademoiselle Hornung est une excellente actrice, un Puck qui a l’air de Puck ne doit pas être à ce point introuvable.

Bien mieux que les éclairages, notamment ceux éblouissant le public pour le plaisir futile de quelques ombres chinoises, les costumes et accessoires (perruques) sont particulièrement réussis, car ils permettent de bien reconnaître les uns et les autres.

 

Le tout finit en apothéose, grâce aux costumes et à la mise en scène justement, dans une représentation de Pyrame et Thisbé complètement délirante par les artisans devant Thésée et Hippolyte.

A Midsummer Night’s Dream

Opéra de Britten. Atelier d’opéra de l’Université de Montréal : Florence Bourget (mezzo, Oberon), Lila Duffy (soprano, Tytania), Anna Hornung (mezzo, Puck), Emmanuel Hasler (ténor, Lysander), David Turcotte (baryton, Demetrius), Camille Brault (mezzo, Hermia), Bethany Ingraham (soprano, Helena), Dominic Veilleux (Baryton, Bottom), Simon Chalifoux (baryton, Quince), Guillaume Beaudoin (ténor, Flute), Jordan Delage (basse, Snug), Jérémie Chéné-Arena (ténor, Snout), Ruben Shaym Brutus (ténor, Starvelling), Caroline Godebert, Ayako Horihata, Myriane Bourgeois et Queen Hezumuryango-Dushime (fées), John Fanning (basse, Theseus), Gaëlle Salomon-Corlobe (mezzo, Hippolyta). Orchestre de l’Université de Montréal, Jean-François Rivest. Mise en scène : Oriol Tomas. Scénographie : Carl Pelletier. Costumes : Emie Gagnon. Éclairages : Julie Basse. Salle Claude-Champagne, jeudi 1er mars, reprises vendredi et samedi (même distribution samedi).