Concerts classiques - Absolument parfait!
Heurtons les traditions et commençons par la fin. Le Concerto pour orchestre, de Bartók, fut une sorte de véritable apothéose de la vérité musicale. Au plan technique, l'OSM fut absolument parfait, un orchestre idéal — et ceux qui se demandent encore pourquoi un Nagano a décidé de venir ici savent maintenant que c'est pour travailler avec un des meilleurs orchestres du monde, peu importe les «grands noms». Donc, devant un OSM idéal, Eliau Inbal nous offre sa vision du concerto pour orchestre comme rarement entendu.
Il conçoit la pièce en un seul tenant, enchaînant tous les mouvements. Rien de gratuit dans ce geste; au contraire, cela arrive à faire non pas seulement comprendre, mais davantage ressentir les liens intimes entre chacune des cinq divisions de cette oeuvre. Mieux encore, on perçoit comment le motif initial revient sous toutes sortes de formes pour clore la pièce en sa forme inversée. De l'analyse: non pas du tout, uniquement de la grande compréhension de la part du chef qui fait généreusement partager ce qu'il a découvert.En plus, cela est livré avec un instinct si sûr, un sens du sentiment si grand qu'on se trouve devant une sorte de remise au monde d'une page orchestrale qui se voit trop souvent décriée. Après cette version, il ne fait aucun doute que ce concerto rejoint l'univers de Barbe bleue (l'opéra récemment entendu à l'OdM) et participe de la même mouvance esthétique forte et solide.
Il faut aussi dire comment la Rhapsodie espagnole (Ravel) a magnifiquement ouvert le concert. Comme le compositeur, les interprètes, chef en tête, réinventent l'Espagne. On croyait tout connaître de ses langueurs et de ses rythmes, la voici qui revit, loin de toute carte postale. Encore ici, l'OSM est irréprochable; le contact entre la baguette et le son est immédiat et efficace, l'inspiration d'Inbal insuffle aux musiciens le désir de se surpasser — et ils le font tous!
Le concerto pour violon de Glazounov, par contre, ne vient pas de la même soucre géniale de création. Pour qu'on ne s'ennuie pas une seconde en l'écoutant, le génie d'un soliste doit agir. Encore une fois James Ehnes n'a pas failli à la tâche. On peut même dire que maintenant le mariage entre lui et son instrument est consommé tant la sonorité s'épand royalement, du plus doux au plus fort, du plus grave au plus aigu.
Chaque phrase se tient et appelle l'autre, chaque note se voit projetée dans la salle avec une aisance et une plénitude rarement autant sentie et réelle. Ehnes, on le savait, est un grand artiste et un roi du violon. Hier soir, on a eu la chance de l'entendre comme un tsar exemplaire de son instrument comme de la musique qu'il défend. Toutes nos oreilles lui sont soumises, avec bonheur, comme toutes les Russies adoraient leur monarque. Quel grand concert ce fut, vraiment digne de ce nom. Et quel plaisir d'avoir un vrai chef à la tête de notre OSM!