Les nouvelles explorations d’Alt-J

Armé des nouvelles explorations musicales de son troisième et plus récent disque Relaxer, lancé en juin, le trio britannique Alt-J montera dimanche sur la scène de la Place Bell à Laval dans de bonnes dispositions.
Au moment de l’entrevue téléphonique, le claviériste et cochanteur du groupe Gus Unger-Hamilton a beau maudire la pluie qui tombe sur Grand Rapids, au Michigan, où le groupe jouait ce soir-là, il assure qu’Alt-J est dans un très bon état d’esprit.
« Ça va vraiment bien, on a fait une assez longue pause entre ce disque et l’autre avant, ce qui fait que c’est très agréable de repartir sur la route, dit-il. On s’amuse et on retrouve les raisons pour lesquelles on aimait partir et voyager comme ça. »
Relaxer est un court album de huit titres, plus calme que leurs précédentes propositions, mais assez coloré, imagé. Les pièces sont différentes les unes des autres mais cohérentes ensemble malgré tout.
Sur scène, Gus Unger-Hamilton assure que ces nouveaux morceaux trouvent fort bien leur place. « On joue évidemment les plus up tempo, comme Deadcrush ou In Cold Blood. Et 3WW, qui n’est pas rapide mais qui a un gros refrain, est une des favorites des fans en concert. »
En début de tournée, Alt-J a testé son enchaînement de chansons, et depuis il n’en déroge pas beaucoup, reconnaît Unger-Hamilton. « On va probablement changer la liste autour de Noël, pour recommencer l’année avec un nouveau souffle. Mais il faut trouver un équilibre entre les pièces plus rapides, les plus lentes, les nouvelles et les vieilles, c’est délicat. »
Son et images
Aux dires du claviériste, Alt-J se sent encore comme un « groupe d’école d’art », c’est-à-dire avec une approche érudite, moins axée sur le commerce que sur la création. Au premier degré, Relaxer propose aussi quelques références à la musique — dont à la pièce folk traditionnelle House of the Rising Sun et à Radiohead — et à la peinture, particulièrement sur la pièce Deadcrush.
« Je crois qu’on sentait que chacune des chansons avait son monde à elle, avec des personnages différents, des couleurs différentes. Pleader parle d’un village de mineurs au XIXe siècle, ou House of the Rising Sun évoque cette vieille Nouvelle-Orléans, 3WWévoque une nuit mystérieuse dans le nord de l’Angleterre… Ce sont presque des petits films, et on aimait beaucoup ça du disque. »
Alt-J aimerait-il pousser à fond cette idée des images et du son en travaillant pour le cinéma, par exemple ? On sent Gus grimacer au bout du fil.
« On en a déjà fait, on a créé toute la bande sonore pour un film indépendant il y a quelques années, intitulé Leave to Remain. Sinon, on a fait quelques chansons ici et là, mais ce n’a pas toujours été une bonne expérience pour nous… »
C’est que les membres du groupe trouvent que créer pour le cinéma est bien plus lourd que de le faire pour leurs albums. Dans le septième art, le nombre de gens qui donnaient leur opinion sur leur travail était bien plus grand que pour leurs projets, ce qui n’était pas pour leur plaire.
« Au deuxième disque, on a mis beaucoup d’efforts pour faire de la musique pour un film très attendu, je peux pas dire lequel, mais un gros film, avec une réalisatrice célèbre. On est allé la rencontrer, on a fait les chansons. Ç’a pris neuf mois, et c’était “change ci, change ça”, et au final ils ne s’en sont même pas servis ! C’était vraiment frustrant. C’était beaucoup d’énergie pour quelque chose qui n’a pas abouti. »
Liés à leurs fans
Si les critiques ont parfois été plutôt froides envers la musique d’Alt-J, les amateurs du groupe, eux, ont appuyé sans bémols les explorations des Britanniques. « On a toujours pensé que nos fans étaient capables d’en prendre, même au premier disque, c’était un album inhabituel, qui ne se casait pas dans un style particulier, et ça n’a pas empêché nos fans d’embarquer. Après ça, on a senti cette liberté de pouvoir aller où on voulait sans peur de les offusquer. »
Dans le monde, c’est peut-être en France que la musique d’Alt-J trouve l’écho le plus favorable, le plus fort, estime Gus Unger-Hamilton. « On s’est toujours sentis à la maison en France parce qu’il y a quelque chose dans l’attitude envers les arts et l’intelligence. Ils apprécient le raffinement [high brow], on a toujours su qu’ils aimaient ce qui n’était pas le dénominateur commun. »
À la Place Bell, à Laval, dimanche à 20 h.