Une exaltante expérience orchestrale et visuelle

Seconde grande expérience orchestrale non classique de la semaine après Half Moon Run à l’OSM, ce concert était le projet spécial du Métropolitain pour le 375e anniversaire de Montréal. L’idée était excellente de rendre hommage au foisonnement créatif montréalais de l’univers du jeu, qui emploie des compositeurs cultivés dont on ne parle jamais. Leurs références sont claires : Prokofiev et Chostakovitch ; Elmer Bernstein ou Franz Waxman pour les compositeurs classiques du cinéma ; Shore et Horner pour les actuels. Bravo donc à Maxime Goulet pour l’idée. Double bravo à Maxime Goulet et Benoit Groulx pour la sélection, l’agencement et la réalisation orchestrale et chorale.
Luxuriance en parallèle
La rencontre entre l’univers du jeu vidéo et l’orchestre symphonique s’est formidablement bien passée, avec non seulement d’excellents arrangements, mais aussi des medleys astucieux (l’enchaînement Roller Coaster Tycoon World et Children of Zodiarcs dans la pérégrination à travers les jeux indépendants était jubilatoire) et des suites somptueuses, la plus achevée étant celle sur Assassin’s Creed, retraçant l’historique de la franchise d’Ubisoft avec un film réalisé spécialement pour l’occasion qui dévoilait en avant-première l’univers — les couleurs dorées de l’Égypte ancienne — du nouveau jeu à paraître : Assassin’s Creed : Origins.
Comme l’avait précisé Maxime Goulet au Devoir samedi dernier, ce n’était pas une symphonie en quatre mouvements. D’ailleurs, la musique de jeux ne s’y prête pas. Un jeu est marqué par une intensité quasi permanente que relaie la musique. On ne peut tenir cela à long terme.
Stylistiquement, il était frappant de noter le parallèle entre la luxuriance des graphismes et des univers visuels et celle de la musique, par exemple dans Dragon Age (excellente ouverture), Dungeon Hunter 5 (excellente conclusion), Assassin’s Creed, Deus Ex, ou Mass Effect : Andromeda.
On a aussi découvert des univers sonores très originaux proches du jazz, dans Contrast ou l’enfantin Ultimate Chicken Horse. Goulet voulait illustrer la diversité : ce fut fait. Les deux moments où l’orchestre interagissait avec des joueurs en direct ont très bien fonctionné. Le public du parterre a même participé collectivement et joué avec un ballon géant dans une ambiance bon enfant.
Une héroïne
L’agencement des séquences a évité l’effet d’accumulation de sang et de décibels et les studios ont pris le projet très au sérieux en soignant leurs contributions visuelles. Le côté « musique et images » était ainsi autrement plus réussi que pour la Symphonie « Concordia » de l’OSM.
Une autre héroïne de la soirée fut Dina Gilbert, d’une précision millimétrée, mais jamais sur la réserve. La musicienne avait trouvé toutes les astuces pour obtenir la précision et l’engagement absolu de l’orchestre. Un écran placé devant elle diffusait les vidéos avec des points blancs clignotant sur les premiers temps de chaque mesure. Elle n’en a pas raté et a tenu l’orchestre et les choeurs en déchaînant les masses sonores. Chapeau bas !
Les deux bémols de la soirée sont assez limpides et extramusicaux. Tout d’abord, vu du parterre, l’éclairage en frises rouges de la scène se reflétait sur le grand écran du fond. Il suffisait d’y aller en sobriété : cela n’aurait rien retranché et ajouté beaucoup de confort.
Enfin, l’animation verbeuse de Jasmin Hains et Stéphanie Harvey n’a pas vraiment trouvé le ton. Au lieu de prendre modèle sur le parfait André Robitaille, Monsieur Loyal du concert de l’OSM au Stade olympique, qui « passe les plats », avec simplicité, esprit, discrétion et élégance, s’effaçant derrière le show dont il n’est que le faire-valoir, Hains et Harvey se sont pris pour des parties intégrantes du projet (le premier quasiment pour une vedette), qu’ils introduisaient malhabilement et dont ils faussaient et brisaient le rythme.
Cela n’a, au bout du compte, aucune incidence néfaste majeure sur la réussite d’un projet admirablement conçu et monté.