Faire du neuf avec du vieux

À l’offre musicale s’ajoutent artistes de cirque, danseurs, acrobates, maquilleurs, artistes de burlesque et artistes visuels, qui investiront le Quai de l’horloge.
Photo: Dylan Schaub À l’offre musicale s’ajoutent artistes de cirque, danseurs, acrobates, maquilleurs, artistes de burlesque et artistes visuels, qui investiront le Quai de l’horloge.

Sur papier, la recette est insolite : promouvoir les musiques électroniques et les arts circassiens, les deux à la fois. Ajoutez une couche de vernis nouveaux médias et écoresponsable, voici le Festival Ancient Future, dont la troisième édition se déroulera vendredi et samedi au Quai de l’horloge et au Hangar 16 du Vieux-Port de Montréal. En vedette, le pionnier du techno de Detroit Kevin Saunderson, l’halluciné musicien syrien Omar Souleyman, le producteur électro-rap Hudson Mohawke, des artistes locaux tels que Brown et Project Pablo. Ah, et aussi une danseuse burlesque française nommée Chatte Chatoyante !

Lors de la première édition, un millier de festivaliers a répondu à l’appel. L’an dernier, ils étaient 5000, attirés là par les lieux accueillants et une programmation assez alléchante pour les amateurs de musique électronique — ni trop pointue, surtout pas commerciale. « Cette année, on espère atteindre le chiffre de 7000 entrées », avance Francis Corbeil-Savage, chargé des communications de cet étrange festival qui, mine de rien, semble vouloir faire la démonstration qu’il y a encore de la place pour un nouveau festival culturel après une saison durant laquelle ceux-ci font la file parechoc à parechoc sur le calendrier estival.

On cherche vraiment à créer une expérience multidisciplinaire en nous inspirant de la démarche de festivals tels que le Burning Man

« On cherche vraiment à créer une expérience multidisciplinaire en nous inspirant de la démarche de festivals tels que le Burning Man », explique Martin Loutrel, président de la boîte de production en événementiel Episode Agency et cofondateur du festival. « L’expérience, sur les trois scènes extérieures surtout, se veut un mélange de plusieurs formes d’art, pas qu’un festival house ou techno — et rap, une nouveauté depuis l’an dernier, incarnée cette fois par la présence de groupes comme The Underachievers, de Brooklyn, ou Brown, constitué de membres des Dead Obies. Un genre de proposition musicale qu’on n’a peu l’habitude de voir dans des festivals électroniques traditionnels. »

Autre suggestion audacieuse, la présence d’Omar Souleyman (ce vendredi, 20 h), musicien d’origine syrienne devenu l’improbable ambassadeur du techno de sa région lorsque l’étiquette Sublime Frequencies a édité ses enregistrements il y a une dizaine d’années. Associé aux styles populaires dabka et chaâbi, Souleyman se produisait dans des mariages, parfois accompagné de musiciens, souvent seul avec un synthétiseur, lequel servait à reproduire à la fois le rythme et les orchestrations d’un orchestre de mariage syrien typique. Ça devient donc accidentellement techno, et furieusement techno d’ailleurs, comme arrivé dans nos oreilles d’une autre galaxie. Voilà pourquoi Björk s’en est entichée.

« En invitant ce type d’artiste, on cherche d’une part à ouvrir les horizons sur notre scène extérieure, et ainsi positionner la fête dans le Hangar 16, très courue, comme l’after-party du festival », un événement d’autant plus accueillant que les billets sont offerts à des prix démocratiques, soit 15 $ par jour, ou 85 $ dollars pour le week-end.

Photo: Dylan Schaub La programmation est alléchante pour les amateurs de musique électronique.

Prendre le festivalier par surprise

À l’offre musicale s’ajoutent tous ces autres artistes et troupes qui habiteront le Quai de l’horloge, insiste Francis Corbeil-Savage : « artistes de cirque, danseurs, acrobates, maquilleurs, artistes de burlesque, artistes visuels, notamment ceux qui font du mapping, cette pratique qui consiste à projeter des images claires sur une surface accidentée, complexe, “cartographiée” » par ordinateur pour mieux rendre les images.

Tous ces artistes interviendront dans le déroulement de la journée, en donnant des performances au beau milieu de la foule, histoire de prendre le festivalier par surprise. « On veut créer vraiment une bacchanale, un événement unique en son genre, inspirant. On arrive à une ère où les festivals ne sont plus qu’une simple affiche, qu’une liste de noms, une programmation musicale. Il faut faire vivre davantage de sensations aux gens », une phrase qui pourrait servir de mantra aux fondateurs du festival, également derrière les projets La Bacchanale (organisme sans but lucratif visant la diffusion des musiques électroniques et des arts du cirque) et Boom Box, présenté comme un « camion-musique déjanté » servant à mettre un peu de fantaisie dans des événements d’entreprises.

Quant au nom du festival, qui se lit en anglais, mettez ça sur le dos des fondateurs… trois Parisiens arrivés ici il y a sept ans. « On savait qu’on pourrait se faire taper sur les doigts avec ça, rigole Martin Loutrel. On a hésité à l’appeler “Futur Ancien”, puisque ce qu’on cherchait à faire, c’est jouer avec le contraste des époques, inviter des artistes de l’ancienne génération — comme le vétéran Kevin Saunderson ou le producteur house français Étienne de Crécy — et la nouvelle », tels que le Montréalais Project Pablo, voire l’Écossais Hudson Mohawke (collaborateur de Kanye West et ANOHNI, entre autres). « Bon, je pense que ce sont des raisons de marketing qui nous ont poussés à ajouter le “t” à Ancien. Sauf que toute notre communication se fait en français ! »

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