Kent Nagano resplendit dans Mozart

Nouveauté 2017: le titre du concert contient désormais un jugement de valeur. Allait-on voir l’OSM et Kent Nagano « briller » dans le Requiem de Fauré ? Pas vraiment !
Avant les choses qui fâchent, les bons points. Tout d’abord, Kent Nagano semblait heureux et plus en forme que le 1er juillet dernier, où il avait les traits particulièrement tirés.
Les problèmes du concert catastrophe de vendredi avaient presque disparu, sauf que la direction du festival avait oublié de rappeler explicitement que films, photos et enregistrements sont interdits. Pour information, les Amis du Festival imputent à un gardien de sécurité détaché par la Place des Arts les bips-bips qui ont parasité, vendredi, le concerto de Tchaïkovski. Dont acte. Par contre, hors de contrôle du festival (mais pas de la municipalité, j’imagine), il y avait quelque part — au loin, mais pas assez — une kermesse ou un party. Je n’ai pas vraiment reconnu les titres, mais il me semble que le In Paradisum de Fauré s’est mélangé avec Waterloo d’Abba, ou quelque chose du genre !
Le plus grand bonheur, samedi, fut musical et mozartien, avec une admirable 39e symphonie, caractérisée par une idée interprétative forte de la part de Kent Nagano : si Mozart a orchestré cette oeuvre avec clarinettes, il faut entendre ces clarinettes le plus possible. Dans la balance sonore, le chef les a donc mises en exergue, par exemple au début du 3e mouvement, soignant par ailleurs l’articulation des cordes. Il a aussi été aidé par l’acoustique, qui dessine très bien les lignes des cordes graves. Sa vision de la 39e symphonie est magnifique, avec un 2e mouvement véritablement Andante con moto.
Avec les compliments de Jean-François
Autant la 39e de Mozart était merveilleusement pensée et juste, autant le Requiem de Fauré fut une sorte de caricature. Choisir la partition de 1900, la prononciation latine romaine, s’explique par les habitudes, mais ne dispense pas d’avoir une vision stylistique affûtée de Fauré. Ce dernier est tout sauf le compositeur d’une musique invertébrée, passive-contemplative et avachie. Comment Kent Nagano, qui a écrit une thèse sur Machaut et qui dirige si bien Messiaen, peut-il errer à ce point entre les deux ?
Il y eut, pour les oreilles fines, un moment très savoureux : après 10 minutes de cette soupe, l’entrée de Jean-François Lapointe dans son solo de l’Hostias. Lapointe, qui fréquente la mélodie fauréenne, comprenant sans doute le naufrage, a dû vouloir sauver le navire et relancer la machine. En 30 secondes, nous avons eu, grâce au baryton soliste, une ligne de chant, une pulsation, un tempo, une perception de la forme et une vie dans la prosodie.
Kent Nagano suivait, quasiment interloqué, mais il n’a pas continué sur cette voie. Lapointe s’est rassis et a jeté un dernier regard au chef pendant le Sanctus, puis s’est plongé dans la partition. Il a été mieux servi dans le Libera me, le seul mouvement avec lequel Nagano a une vraie affinité. Là aussi, on a retrouvé le choeur, par ailleurs plutôt hétérogène, dans sa meilleure forme. Cela dit, même dans une interprétation plus ou moins hors sujet, ce Requiem reste une oeuvre forte et touchante pour l’auditoire.
Fauré a destiné son Pie Jesu à une voix d’enfant. La transposition à une soliste féminine nécessite une voie juvénile et diaphane. Le choix de Sumi Jo, trente ans de carrière, disait déjà tout en matière de compréhension de l’oeuvre de la part du chef et de l’OSM. Un bon choix aurait pu être Hyesang Park — lauréate d’Opéralia et 2e prix du Concours de Montréal en 2015 — résidant à 500 km d’ici. Plus près encore, le type idéal de voix et de style est incarné par la Montréalaise Pascale Beaudin (et quelques autres Québécoises). Trop bonnes et pas assez chères ? En élargissant ce propos, s’ouvre toutefois une réflexion sociologique fort vaste : lorsque la fréquentation d’un concert, comme celui-ci, ne dépend aucunement du nom du soliste, pour faciliter l’accès à la musique, ne vaudrait-il pas mieux baisser le prix des billets et engager à un cinquième du cachet des musiciens qui font, artistiquement, cinq fois mieux l’affaire ?
En raison de la fin tardive du Parsifal dirigé par Yannick Nézet-Séguin, dimanche, vous en trouverez le commentaire dans notre édition de mardi.