Muse, caméléon du rock au Festival d’été de Québec

Le leader du groupe Muse, Matt Bellamy
Photo: Francis Vachon Le Devoir Le leader du groupe Muse, Matt Bellamy

L’ovni britannique Muse a atterri sur les plaines d’Abraham dimanche soir pour clore cette 50e édition du Festival d’été de Québec avec sa mouture de rock qui défie toute catégorisation. Ça bombe le torse en chantant d’une voix de falsetto, c’est glam rock, prog-rock, pop-rock, tout ça à la fois, fertilisé par les roucoulants solos de guitare du leader, Matt Bellamy, bougie d’allumage de cette performance colorée qui a ravi les festivaliers en se terminant sous une pluie de confettis.

Le trio a depuis longtemps fait son lit dans la Vieille Capitale, ça sautait aux oreilles pendant les refrains de ses plus grands succès. Pendant le pont de Starlight (de l’album Black Holes and Revelations, 2006), interprétée à la fin du spectacle, toute la foule chantait le refrain, bras en l’air ; ça devait s’entendre jusqu’à Lévis. En tout cas, Bellamy l’a bien entendu ; il s’est séparé de sa guitare un moment pour aller prendre un bain de foule, embrasser des admirateurs puis terminer le dernier refrain.

Hé ! nous n’étions même pas arrivés au rappel – pendant l’entraînante Uprising, on n’entendait presque plus la voix du chanteur tant la foule l’enterrait ! – et ça sentait déjà quelque chose comme l’apothéose de ce concert rodé au quart de tour, durant lequel les trois musiciens ont fait à nouveau la démonstration de leurs grands talents d’instrumentistes… et de la démesure de leur proposition musicale.

Car c’est en assemblant des milliers de petites idées musicales un peu partout sur le spectre de la musique rock que Muse est parvenu à ériger sa discographie : un soupçon de U2 des années 90 dans la mielleuse Madness, un clin d’oeil à Led Zep en introduction de Dead Inside, et même des mesures complètes de Black Dog un peu plus tard, du Queen dans le chant flamboyant de Bellamy, et un peu beaucoup de Rush pour équilibrer le tout, parce qu’y’a du muscle quand même chez Muse. Un brin schizophrénique, hyper-référenciel à défaut d’être singulier, mais efficace en concert, grandement appuyé par une scénographie ingénieuse – le public montréalais pourra découvrir son système d’écran LED à tiroirs verticaux dans quelques semaines à Osheaga.

Or, c’est justement quand c’est musclé que c’est bon, les refrains pop trop légers nous passant loin au-dessus de la tête. Bon quand c’est musclé, et quand le trio revient à ses racines rock pures, comme il a tenté de le faire sur son plus récent album, Drones (2015). Les premières notes de la soirée semblaient vouloir nous entraîner à nouveau vers les albums plus « électroniques » (et les idées moins concises) du groupe ; c’était pourtant la récente Dig Down que nous découvrions en vrai sur scène. Heureusement que Psycho (de l’album Drones) et les populaires Resistance et Hysteria ont ramené Muse sur le droit chemin pavé de bons grooves rock, chemin dont le trio ne s’est jamais trop éloigné pendant quatre-vingt-dix minutes.

 

Atterrissage

En marge du brouhaha sur les Plaines, le parc de la Francophonie passait pour une oasis de paix sur le coup de 19 h. La scène était alors sous l’emprise de Beyries et de ses quatre as musiciens, l’ami Guillaume Chartrain à la basse, Alex McMahon à la batterie ou au piano, Joseph Marchand à la guitare et Judith Little-Daudelin aux choeurs. Un peu de quiétude et de douceur après ce week-end musical mouvementé dans la Vieille Capitale faisait le plus grand bien ; le public, nombreux et attentif, a reçu les chansons folk-pop assis sur la pelouse, les oreilles grandes ouvertes.

L’orchestre a eu la bonne intuition de s’exécuter avec retenue, non pas pour éviter de marcher sur les pieds d’Amélie Beyries, dont la présence sur scène est assez magnétique pour s’imposer, mais pour mieux laisser s’envoler les chansons de ce premier album célébré, Landing, paru en février dernier. Tout est dans le ton juste, l’harmonie simple, sans épanchements, rien pour empêcher ces mélodies caressantes de se rendre jusqu’à nous.

Beyries chante d’une voix assurée et rassurante des airs qui rappellent immanquablement quelque chose qu’on aime déjà depuis longtemps – ça frappe pendant Soldier, tiens, commencée piano-voix seulement, avant que le reste de l’orchestre ne ressorte des coulisses pour la montée finale. On aurait cru à une ballade oubliée du répertoire de Billy Joel : le refrain, sa mélodie aux détours rhythm and blues. Tout le monde retenait son souffle.

Certes, il y a beaucoup de spleen et d’accords mineurs dans les chansons de Beyries, mais sur scène, son enthousiasme donne un effet de contraste. Lorsqu’elle nous demande si on aime le country, puis qu’elle lance Along the Way jouée comme si c’était un succès de Nashville enregistré au début des années 70, on se dit : Tiens, c’est aussi ça, Beyries, du rythme et du chien !

Mais voilà, une dizaine de chansons en une quarantaine de minutes seulement, c’est trop vite passé. Beyries donnera un concert dans l’après-midi du vendredi 21 juillet au Festif de Baie-Saint-Paul, si par bonheur vous passez par là…

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