La Chasse-Balcon: des violons dans les quartiers

Comment animer les quartiers de Montréal ? Comment investir l’espace privé pour diffuser de la musique traditionnelle ? C’est ce à quoi s’appliquent les organisateurs de la Chasse-Balcon, qui est de retour dans les quartiers de Montréal chaque samedi en fin d’après-midi du 6 mai au 10 juin. À chaque occasion, on rassemble six musiciens qui font la fête gratuitement sur un balcon résidentiel devant un public souvent surpris de se laisser prendre joyeusement au jeu.
Le fonctionnement rend le projet particulièrement unique : l’endroit exact n’est pas dévoilé avant la journée du spectacle, mais tout au long de la semaine qui le précède, des indices sont fournis sur le site Internet et le compte Facebook de la Chasse-Balcon, ou via Instagram et Twitter. Ce samedi, le premier rassemblement a lieu dans Rosemont–La Petite-Patrie et la première indication est déjà connue : « Le nom de la rue où aura lieu la première Chasse-Balcon a été nommé en l’honneur d’un évêque dont le père a été maire de Montréal de 1849 à 1851. » À vous de dénicher le reste…
Créé en 2014 par la violoneuse Catherine Planet qui s’est inspirée de l’esprit de la Louisiane, l’événement fut présenté à deux occasions à Montréal et une autre fois à Joliette. En 2015, certains spectacles ont attiré jusqu’à 500 personnes et l’an dernier, même si la température fut moins clémente, cela n’a pas empêché la ferveur des participants, puisque la Chasse-Balcon a remporté par vote populaire la bourse Viva-MTL, une initiative du Mouvement Desjardins qui « visait à reconnaître l’engagement de ceux et celles qui font rayonner leur quartier et qui sont une source de fierté pour leurs concitoyens ».
« Il y avait beaucoup de gens derrière nous. Si la population n’est pas là, ce projet n’existe pas », affirme Catherine Planet, une battante pour la diffusion de la musique traditionnelle. « Je me suis toujours demandé s’il n’existait pas une sorte de gêne devant la musique trad. On ne va jamais voir des gens avec des fenêtres ouvertes qui font entendre une toune en novembre ou en mai. Ça ne se fait pas, c’est gênant. Mais pourquoi ça ne l’est pas dans d’autres pays ? André Gladu [le cinéaste] a de belles images de ça. Il parle de l’emprise que la religion avait sur la musique traditionnelle autrefois, en gérant même ses sonorités, son image, ce qui allait passer à la radio. Il y avait moins de laisser-aller, moins d’âme. » Catherine se réjouit du fait que les gens qui ont voté au concours Viva Mtl ont soutenu une initiative qui vise les rencontres dans les quartiers en utilisant la musique traditionnelle.
Un pont entre le public et le privé
La Chasse-Balcon revient avec la même formule que par le passé. « L’idée première est de créer un pont entre l’espace public et l’espace privé, fait valoir l’organisatrice. Au début, on cherchait des balcons de façade, qui donnent sur la rue et non sur la ruelle. Mais c’est parfois plus compliqué lorsque le trottoir n’est pas assez grand. Dans la ruelle, ça reste de l’ordre du privé, c’est un peu caché. » Ce qui n’empêche pas l’agrément, d’autant que la moitié des rencontres participatives s’y déroulent.
D’une semaine à l’autre, le répertoire est le même et plusieurs musiciens sont devenus des habitués. Parmi ceux qui sont très impliqués, mentionnons les guitaristes Mathieu et André Gagné. D’autres artistes font partie des plus importants groupes trad du Québec.
Au chapitre de la mise en scène, on favorise aussi la participation des enfants, qui sont invités à se présenter avec des bulles. Quant au spectacle de cette semaine, il est dédié à Mario Loiselle, valeureux pianiste-compositeur qui s’est éteint en mars dernier. Des hommages à d’autres porteurs sont à prévoir.