Les artisans se regroupent pour mieux se défendre

Alors que leurs revenus sont durement touchés par les mutations technologiques qui frappent l’univers musical, les auteurs, les compositeurs et les interprètes québécois ont décidé d’unir leurs voix pour défendre leurs intérêts en haut lieu.
Le tout récent Regroupement des artisans de la musique (RAM) annonce une série d’actions « pour faire en sorte que ceux qui sont à l’origine de tous les morceaux que vous entendez sur les services de streaming, sur vos ordis, sur Internet, soient rémunérés à la hauteur de leur travail »,a affirmé Florence K, porte-parole de l’organisme avec David Bussières (Alfa Rococo).
Le RAM dévoile officiellement ce mercredi sa plateforme en trois axes, dont la première et principale branche se divise en plus de dix actions visant les services de musique en ligne et les fournisseurs d’accès Internet (FAI). Il demande aussi des modifications législatives.
« On embrasse la technologie, qui pour l’utilisateur est une révolution fantastique, explique David Bussières, qui a lancé le RAM. Les gens n’ont jamais écouté autant de musique. Je crois qu’il n’y a jamais eu autant de musique qui s’est créée. On est dans un âge d’or musical », note-t-il.
Et surtout, les mélomanes, « indirectement », dépensent beaucoup d’argent pour de la musique, soutient Bussières. Achat d’appareils mobiles, paiement d’une connexion Internet, abonnements à des plateformes comme Spotify…
« L’écoute de musique en ligne génère beaucoup d’argent, mais malheureusement, et c’est le coeur de notre propos, tout cet argent ne revient pas dans l’écosystème musical, à part des redevances faméliques des plateformes de musique en ligne. On peut donc dire que les artisans, qui sont le premier maillon de toute cette chaîne, de toute cette circulation, ne reçoivent pas une part équitable de l’argent qui est généré. »
S’attaquer aux gros joueurs
Le RAM veut entre autres interpeller les services de musique en ligne pour que les artistes québécois soient plus visibles et plus accessibles sur les différentes plateformes. Le regroupement souhaite aussi que les artistes reçoivent plus de sous des Spotify et YouTube de ce monde, en plus de voir une meilleure distribution de ces redevances entre les producteurs et les créateurs.
Bussières et Florence K estiment que les géants américains de la musique en ligne devraient payer de l’impôt au pays, et souhaitent que les fournisseurs d’accès Internet qui profitent du trafic Web redonnent aux artisans de la musique.
Le RAM est conscient qu’il s’attaque à de gros joueurs, mais il espère pouvoir se faire entendre par les différents ordres de gouvernement. Une rencontre est déjà prévue avec Québec le 28 février.
« C’est David contre Goliath. Ce sont des éléphants énormes, mais il faut se battre, explique Florence K. Je pense qu’en unissant nos voix on peut le faire. »
Refonte interne
L’organisation, qui regroupe des autoproducteurs et qui est appuyée par l’UDA, la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec et la Guilde des musiciens, veut aussi s’attaquer à la façon dont les artisans et les producteurs font des affaires ensemble. Florence K insiste sur l’importance de la transparence, alors que les artistes sont souvent tenus dans le noir quant à l’utilisation de l’argent provenant des organismes subventionnaires.
« Il y a une opacité dans la façon de dépenser. On ne sait pas quel montant va à quel projet, c’est problématique, résume David Bussières. Chez les artisans de la musique, ça crée une grogne. »
Le RAM propose entre autres que les créateurs contresignent chaque étape du financement et que les entreprises aient l’obligation de déclarer aux artistes les entrées et sorties d’argent entourant leur projet.
Le troisième axe de la plateforme du RAM vise surtout à créer un guichet unique de services et de conseils pour les musiciens québécois.
Ces démarches « peuvent paraître vastes et ambitieuses, mais c’est concret », a affirmé David Bussières.
Le RAM a par ailleurs déjà eu des contacts avec différents organismes internationaux similaires, dont la Guilde des artistes de la musique en France et le Fair Trade Music International. « On va créer des alliances avec eux?; ça va nous permettre de profiter des jurisprudences qui se font ailleurs », espère Bussières.