Renaud sacré artiste masculin de l’année aux Victoires de la musique

Le chanteur Renaud en janvier 2016 à Paris
Photo: Francois Mori Associated Press Le chanteur Renaud en janvier 2016 à Paris

Paris — Chanteur français populaire engagé, faux loubard et vrai révolté, Renaud a accumulé les succès au long d’une carrière ternie par l’alcoolisme et la dépression jusqu’à son retour gagnant l’an passé et son nouveau sacre vendredi soir aux Victoires de la musique, à Paris.

C’est la deuxième fois que Renaud est sacré artiste masculin après 2003. L’auteur-interprète, âgé de 64 ans, revenu au premier plan l’an dernier après sept ans d’absence, est récompensé pour son album éponyme, qui a été le plus gros succès commercial de 2016 en France (730 000 ventes).

Cette Victoire est la sixième de sa carrière toutes catégories confondues. Certainement la plus belle pour celui qui, ces dernières années, n’était plus que l’ombre du jeune anar aux cheveux de paille qui faisait danser l’argot et maniait fort bien la langue française classique à ses débuts.

Il vivait presque reclus à l’Isle-sur-la-Sorgue, dans le sud de la France. Après plusieurs épisodes dépressifs à la fin des années 1990, il s’était remis à boire et à vivre sous antidépresseurs.

« Les blessures les plus profondes ne sont pas guéries par des ventes de disques », disait-il, d’une voix carbonisée par les abus, « un peu revenu de tout, un peu désabusé par la vie et le côté vain de toute chose ».

À son actif pourtant, 24 albums (live compris) vendus à plus de 20 millions d’exemplaires, dans lesquels figurent des titres célébrissimes comme Laisse béton ou Marche à l’ombre. En 2015, un sondage a désigné Mistral gagnant, sa ballade de 1985, « chanson française préférée de tous les temps ».

Jain, « multiculturelle »

Du côté féminin, c’est Jain qui a été sacrée artiste féminine de l’année, faisant coup double après sa récompense glanée plus tôt vendredi soir dans la catégorie vidéoclip.

« Je n’ai rien préparé, je pensais que ce serait la grande Véronique Sanson qui gagnerait. Je ne pensais pas qu’un album aussi multiculturel marcherait en France », a-t-elle déclaré en recevant sa récompense.

La victoire de l’auteure-compositrice-interprète âgée de 25 ans a apporté un vent de fraîcheur au palmarès, avec sa pop-world chantée en anglais. La chanteuse est notamment récompensée pour sa tournée qui a suivi l’album Zanaka, certifié double disque de platine (200 000 ventes).

Grâce à ses chansons et à son univers bien à elle, la chanteuse originaire de Toulouse commence à se faire un nom à l’international. En témoigne sa toute première prestation live à la télévision américaine, la semaine passée. Dans The Late Show with Stephen Colbert sur CBS, elle a conquis le public avec Come.

« Le chanteur énervant »

Perfecto noir (ou blouson en jean), santiags, anneau à l’oreille, bandana rouge, légère barbe et croix autour du cou : le look de Renaud était aussi célèbre que ses engagements.

Pacifiste, écologiste, antimilitariste, il n’a jamais aimé l’extrême droite, a souvent égratigné la gauche, toujours défendu Les Restos du coeur ou SOS Racisme. Pour ses innombrables prises de position, l’ex-chroniqueur à Charlie Hebdo s’appelait lui-même « le chanteur énervant ».

Sa sympathie exprimée l’an passé pour François Fillon en a surpris plus d’un. Mais il s’est rétracté depuis que la probité du candidat des Républicains à la présidentielle est mise en doute.

Renaud Séchan et son frère jumeau, David, naissent le 11 mai 1952 à Paris. Son père est écrivain et professeur et sa mère s’occupe de ses enfants, six au total. Au collège, il sèche les cours.

Il participe au mouvement étudiant de Mai 68 et écrit ses premières chansons. Il joue parfois au Café de la gare avec Patrick Dewaere, Miou-Miou et Coluche, donne des concerts dans les rues en faisant la manche.

 

En 1975 paraît son premier album, Amoureux de Paname, et deux ans plus tard sa chanson-culte Laisse béton. Le public découvre sa silhouette de poulbot, sa voix nasillarde.

« Homme libre »

Son troisième album, en 1979, contient un de ses classiques, Ma gonzesse.

 

Sa fille Lolita naît en 1980. Cette même année, son quatrième album, Marche à l’ombre, se vend à plus d’un million d’exemplaires. Il crache sur les institutions, use de violence verbale, mais pour une partie de son public, ses meilleures chansons sont celles qui parlent de tendresse.

Renaud enchaîne les succès (Mon beauf, Morgane de toi, Putain de camion, en hommage à son ami Coluche décédé) et les ventes de disques s’envolent.

En 1993, Renaud s’essaie au cinéma et émeut dans Germinal, de Claude Berri.

Admirateur de Brassens, Renaud se veut « homme libre », pas consensuel, impertinent vis-à-vis des grands de ce monde. Miss Maggie, ode aux femmes, est aussi un violent pamphlet contre Margaret Thatcher.

Dans le disque Boucan d’enfer (2002), il évoque ses problèmes de dépression et d’alcoolisme. Le disque se vend à plus de deux millions d’exemplaires.

En 2005, il épouse une jeune chanteuse, Romane Serda. Un an plus tard naît leur fils Malone. Mais en 2011, il divorce et replonge dans son terrible mal de vivre.

 

Ses amis s’inquiètent sérieusement pour sa santé, mais depuis, Renaud a démontré qu’il est « toujours debout », comme l’indique un des titres phares de son dernier album, inspiré par les attentats de 2015 en France.

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