Mélisande [électrotrad] en mode plus dansant

Le premier disque du groupe Mélisande [électrotrad] a marqué une étape du trad québécois. Voici maintenant Les millésimes, une création à la fois plus dansante et plus électro. Le fond traditionnel demeure, et est même renforcé à la suite d’une importante recherche de répertoire.
L’esprit des textes d’origine est respecté, des versions différentes sont parfois assemblées, mais des mots sont ajoutés, souvent dans une perspective féministe. Quant à la musique, elle groove fort, ce que l’on pourra sans doute constater ce mercredi au Lion d’Or avec sept musiciens sur scène dans une performance de lancement gratuite et ouverte au public.
« Au départ, l’idée était de faire de la complainte électrotrad, mais on s’est dit qu’on allait rajouter une couple de chansons plus drôles et qui swinguent un peu plus », explique Alexandre de Grosbois-Garand, dit Moulin, l’un des deux membres au coeur du groupe avec Mélisande. « On cherchait des chansons à boire, mais pas nécessairement des chansons de soûlons. » Un exemple de cela : la chanson Le vin et l’eau, interprétée par Mélisande en duo avec Alexandre Désilets, dont voici un extrait : « Hélas que tu es folle / Disait le vin à l’eau / Tu coules, tu roules, tu voles / Le long de ces ruisseaux / Et tout comme une errante / Toujours tu suis la pente / Du moins invite-moi ! / Car l’homme s’en mélange / Me donne des louanges / Mille fois plus qu’à toi. »
Ici, la littérature populaire remonte à la surface, en se fondant dans un beat ultravitaminé. Ailleurs, on explore le processus vinicole de la branche à la cruche et de la bouche à la tête, avec un peu de turlutte sur un rythme léger. Souvent, les rôles traditionnels de l’homme et de la femme sont renversés, et la femme peut même devenir l’héritière de la bouteille. « Buvons mes commères / Nos hommes, ils sont loin », clame-t-on dans le titre Quand les hommes sont aux vignes.
« Millésimer les chansons »
Le livret du disque indique les livres, les recueils, les fonds et les autres sources des chansons, de façon très détaillée et fort intéressante. Pour la réalisation du disque Les millésimes, Mélisande et Moulin ont parcouru entre autres les archives de folklore et d’ethnologie de l’Université Laval ou celles de l’American Folk Life Center de la Library of Congress à Washington. L’univers passe aussi bien par John A. Lomax que par Aristide Bruant ou Marius Barbeau, de la chanson de vendanges au reel et beaucoup plus encore.
« Nous avons eu un flash, celui de millésimer les chansons », explique Mélisande, superbe chanteuse à la voix très pure et à la personnalité affirmée. « On sentait qu’il y avait là-dedans un discours intéressant, comme celui de valoriser le vin, avoir le thème du vin avec son côté un peu plus noble. Ça fait même un peu royauté. » Ce qui explique aussi le choix du mauve, prédominant sur la pochette.
Mélisande ne chante pas à l’ancienne, elle vient du rock et de la chanson, mais la noblesse qu’elle décrit la porte aussi dans son interprétation. Quant à Moulin, il affirme que le nouveau disque est à la fois plus trad et plus pop que le précédent : « C’est la première fois qu’on a un reel vraiment traditionnel, comme le Reel du quêteux Tremblay, qu’on a inséré dans L’ivrogne dégrisé. C’est aussi la première fois qu’on a quelques refrains pop. » Et comment a-t-il travaillé l’électro, qui s’entend beaucoup qu’auparavant ? « J’ai d’abord fait des ébauches avec des arrangements électros. On s’est arrangé pour que ça fasse partie intégrante de la création. »
Quoi d’autre sur ce disque ? Des instruments acoustiques comme du violon et de la flûte ou des cuivres par moments, en plus de la participation de Nicolas Boulerice du Vent du Nord et de l’auteur-slameur David Goudreault. Ce dernier montera sur scène au lancement.