Griots de Montréal, toutes paroles unies

Le travail et la parole des griots Aboulaye Koné, Tapa Diarra et Zal Sissokho portent bien au-delà de la scène, jusque dans l’intimité du quotidien de ceux qui leur prêtent l’oreille.
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir Le travail et la parole des griots Aboulaye Koné, Tapa Diarra et Zal Sissokho portent bien au-delà de la scène, jusque dans l’intimité du quotidien de ceux qui leur prêtent l’oreille.

Ils sont chanteurs, musiciens, historiens, généalogistes, chroniqueurs, conteurs, conseillers et médiateurs dans la vie de tous les jours : en ces temps d’obscurantisme, les griots persistent à porter leurs messages de dialogue et d’humanité. Quatre d’entre eux, tous Montréalais d’adoption, offrent un spectacle inédit ce dimanche au Balattou pour mettre une fois de plus en lumière la culture du Grand Mandingue. Pour Tapa Diarra, Zal Sissokho, Aboulaye Koné et Fa Cissoko, leur travail va bien au-delà de la scène.

Initié par la cantatrice Tapa Diarra à l’initiative de Lamine Touré des Nuits d’Afrique, le projet des Griots de Montréal rassemble quatre artistes issus de grandes familles descendantes de l’Empire mandingue. L’initiatrice en explique le contexte : « Zal et Aboulaye sont mes frères, mes aussi mes mentors. Avec Fa, nous venons des grandes familles, mais de différents clans. Je voulais les regrouper parce que l’histoire parlée, l’histoire oratoire, nous appartient. C’est nous qui l’avons conservée pendant des siècles. Nous avons le même répertoire, mais avec des saveurs et des accents différents dans la famille des langues mandingues. C’est surtout le malinké qui a des cousins ».

Fille de la grande griotte malienne Kandia Kouyaté, Tapa Diarra parle le malinké, le bambara et le khassonké ; Zal et Fa s’expriment en mandinko, qui est un dérivé du malinké, alors que la langue première d’Aboulaye est le djula : « D’une langue à l’autre, c’est comme un Français et un Québécois qui se parlent », résume Zal.

Les gens n'ont pas beaucoup d'argent à nous donner, mais nous le faisons pour la culture. Le griotisme, c'est une relations de confiance et d'altruisme.

Il chante, joue de la kora et mène les destinées du groupe Buntalo. Comme ses complices, il puise des chansons parmi quelques compositions et le répertoire traditionnel. Le bagage des griots provient de huit siècles d’histoire et cela transparaît dans leur rôle de porte-parole. Zal est préoccupé par la condition des aînés, ces véritables bibliothèques humaines, alors que Tapa est particulièrement touchée par les problèmes de l’itinérance vécue dans le froid du Nord.

« Nous sommes les griots de Montréal », clame-t-elle. « On aurait pu dire “les griots mandingues”, mais c’est ici que nous vivons. Si quelque chose se passe ici, les griots se donnent le droit d’en parler. » Zal relance : « On vit dans un monde d’individualisme et les gens ne sont pas accompagnés dans la souffrance. Parfois, ça ne prend presque rien pour éveiller la conscience des gens. »

« Le griotisme, c’est pas juste de chanter ou de parler, c’est la façon de faire », affirme Aboulaye. Chanteur-guitariste-percussionniste et leader du groupe Bolokan, il peut s’adapter à tout. On l’a récemment vu aux côtés de Sébastien Lacombe. « Ici, les griots font des hommages, mais conseillent également les gens, mettent les gens dans le bien. Il y a la causerie, les chansons de baptême et de mariage. Ça fait partie du travail des griots, mais ce n’est pas du show. »

De son côté, Tapa explique la raison pour laquelle elle a choisi ses collègues pour le projet des Griots de Montréal : « C’est parce qu’ils ont le respect de qui ils sont et d’où ils viennent. Le griot, c’est un comportement. Zal a beau faire le tour du monde, il peut jouer de sa kora pour une personne qui n’a pas dix dollars à lui donner. Avec Aboulaye, nous faisons les décès et tous les événements dans les maisons. Les gens n’ont pas beaucoup d’argent à nous donner, mais nous le faisons pour la culture. Le griotisme, c’est une relation de confiance et d’altruisme. On fait appel à nous pour régler les conflits entre un mari et sa femme. Nous écoutons les gens et leur disons de revenir au dialogue. Ce sont des rôles que nous faisons ; les gens d’ici ne le savent pas. » Au-delà de la scène, le griotisme est aussi une façon de vivre.


Buntalo avec, entre autres, Zal Sissokho, Tapa Diarra et Aboulaye Koné - Soumba

Au Balattou, dimanche 5 février à 20h30. Renseignements: 514 845-5447.

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