Dear Criminals, en harmonie avec Nelly

«Quand Vincent [Legault] a lu dans le journal qu’elle faisait un film sur Nelly, on trouvait qu’il y avait des liens à tisser entre l’univers dark, érotique, poétique, fragile de son personnage et ce que Dear Criminals avait envie de créer», explique Frannie Holder.
Photo: Victoria Dimaano «Quand Vincent [Legault] a lu dans le journal qu’elle faisait un film sur Nelly, on trouvait qu’il y avait des liens à tisser entre l’univers dark, érotique, poétique, fragile de son personnage et ce que Dear Criminals avait envie de créer», explique Frannie Holder.

Le trio montréalais Dear Criminals a le vent en poupe depuis quelques mois. La liste des projets auxquels il a collaboré est aussi longue qu’intéressante, son dernier jalon étant l’EP Seven Songs for Nelly, une espèce d’excroissance de son travail musical pour le film Nelly, d’Anne Émond.

Théâtre, cinéma, danse, télévision… la formation s’amuse à faire se rencontrer sa musique lente et sombre avec toutes sortes de formes d’art. En avril dernier, les membres du trio étaient de la pièce Les lettres d’amour, mise en scène à l’Espace Go par David Bobée et écrite par Evelyne de la Chenelière. Puis le trio s’est plongé dans la création musicale avec le chorégraphe Frédéric Tavernini pour Things Are Leaving Quietly, In Silence au Monument-National. Récemment, le groupe composé de Frannie Holder, de Charles Lavoie et de Vincent Legault a tissé la musique de l’émission Fatale-Station, écrite par Stéphane Bourguignon. Et voilà ce disque issu de leur création musicale pour le film Nelly.

Personne ne sera alors surpris que Le Devoir ait dû joindre par téléphone la chanteuse Frannie Holder dans le petit village français Le Petit-Quevilly, dans la chapelle Saint-Julien datant du XIIe siècle, et où le groupe lançait une tournée de huit dates en France. Et ce, après y avoir donné autant de représentations des Lettres d’amour, de l’autre côté de la Seine, à Rouen.

« Il y a un vertige, mais pour l’instant, c’est agréable, parce qu’on ne s’est pas plantés dans aucun des projets ! lance Holder en rigolant. Mais il y a quand même une peur de décevoir. »

Les liens avec Nelly

 

Le disque Seven Songs for Nelly est un produit hybride entre le travail « personnel » du groupe et celui fait pour la réalisatrice Anne Émond pour son long métrage sur Nelly Arcan. On y entend, entre autres, des pièces qu’on retrouve dans le film, deux nouvelles versions de titres du répertoire du groupe — Émond a choisi les originales — et des reprises à la manière Dear Criminals de chansons se trouvant dans le film, dont Le temps des fleurs.

Même s’il paraît ce vendredi en même temps que le film, cet EP a été créé il y a environ un an. « C’était la première fois qu’on faisait autant de recherche musicale pour quelque chose, raconte Holder, aussi dans le groupe Random Recipe. Mon Dieu qu’il y avait du matériel?! Ça permet d’aller plus loin, tu sors de tes références, de tes réflexes. »

Pour la petite histoire, Anne Émond a été une des premières à entendre une maquette de Dear Criminals, dans un festival de courts métrages en Normandie où Holder était DJ avec Fab, son acolyte dans Random Recipe.

« Quand Vincent a lu dans le journal qu’elle faisait un film sur Nelly, on trouvait qu’il y avait des liens à tisser entre l’univers dark, érotique, poétique, fragile de son personnage et ce que Dear Criminals avait envie de créer. »

Pour Holder, cet EP de 25 minutes s’écoute comme une trame presque linéaire, même si le groupe a moins ressenti « ce besoin de cohérence totale ». « On était plus libres dans l’écriture, moins attachés aux conventions qu’on s’impose, moins dans la remise en question sur chaque point. »

Plaisirs et danger de se perdre

 

D’autres projets attendent Dear Criminals. En 2018, ils travailleront d’ailleurs à l’Opéra de Paris avec la metteure en scène Marie-Ève Signeyrole, pour un spectacle où ils revisiteront à leur manière des pièces baroques.

Le danger, ou le plus frustrant selon Frannie, c’est de ne pas avoir de temps pour créer pour soi. Elle ne craint pas, par contre, que Dear Criminals se perde dans les multiples projets. « Peu importe, ça restera une expérience très douce, vocale, quelque chose qui fait “ouch” à travers quelque chose de beau. »

La chanteuse évoque tout de même le chemin parcouru par les trois membres du groupe dans la maîtrise des sons, des instruments, des idées. « Chacun d’entre nous s’est dépassé en travaillant avec chacune de ces formes artistiques, qui sont rendues à différents moments, à différentes étapes de leur développement. Au Québec, la musique n’est pas à la même place que le théâtre, qui lui n’est pas à la même place que le théâtre en France. Chaque forme d’art a une approche différente du spectacle, du rapport à ce qui est superficiel ou émotif, du rapport au public. » Combien peuvent se vanter d’en avoir appris autant en si peu de temps ?

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