De la musique à vos yeux à l'Igloofest

La marque de l’Igloofest, c’est son environnement unique, campé sur un quai du Vieux-Port, et sa scénographie, avance Marion Carassou-Maillan, directrice de la programmation VJ.
Photo: Peter Ryaux Larsen La marque de l’Igloofest, c’est son environnement unique, campé sur un quai du Vieux-Port, et sa scénographie, avance Marion Carassou-Maillan, directrice de la programmation VJ.

Dès ce jeudi soir, les amateurs de rythmes électroniques seront bien servis alors que s’ouvre l’édition spéciale du 375e anniversaire de Montréal de l’Igloofest, qui se déroulera jusqu’au 19 février. Les sélections des DJ invités ne constituent cependant qu’une partie du plaisir que l’on y prend puisque le décor, les scènes et les jeux de lumière y sont tout aussi importants. Des installations qui constituent un extraordinaire canevas de travail pour les héros lumineux de ce rendez-vous hivernal, les vidéo jockeys (VJ), confirme le vétéran montréalais TiND, qui considère Igloofest comme « l’événement mettant le mieux notre travail en valeur ».

La marque de l’Igloofest, c’est son environnement unique, campé sur un quai du Vieux-Port, et sa scénographie, avance Marion Carassou-Maillan, directrice de la programmation VJ. « Le visiteur y trouve une expérience, une ambiance, abonde-t-elle. Et c’est l’ensemble qui va créer ce souvenir — pas seulement le DJ ou seulement le VJ. Or chez nous, les VJ sont appelés à travailler avec une scénographie particulière », avec des écrans partout autour du plancher de danse. « Le spectateur ne regarde pas seulement devant lui, les images l’entourent et ce côté immersif amène les VJ à expérimenter hors cadre. »

Marion Carassou-Maillan, alias VJ MA, assure également la programmation des VJ pour le festival MUTEK, une autre grande vitrine pour le talent des artistes vidéo jockeys d’ici. L’Igloofest, cependant, occupe une place spéciale pour ces créateurs : « On se sent toujours choyés d’y participer — disons que c’est un contrat très couru par tous les VJ », confie Francis Théberge, alias TiND, dont on verra le travail dès ce jeudi, à l’Igloofest.

Vitrine grand public

 

Graphiste de formation, il s’est tourné vers la vidéo de performance à la fin des années 1990. « Au début, je jouais en boucle des bouts de films d’animation, puis ça s’est raffiné. » La discipline elle-même a pris du galon depuis, notamment grâce à l’implication des dirigeants de la Société des arts technologiques (SAT). « La SAT, avec ses événements Mixsessions qui mariaient un DJ avec un VJ, a signalé le début de la vraie scène VJ à Montréal », au moment où Moment Factory naissait et où MUTEK et ELEKTRA prenaient leur envol.

La scène VJ à Montréal n’est pas très grande, concède VJ MA, mais elle gagne en popularité. Sa vitalité est notamment alimentée par les étudiants du programme multimédia au cégep Maisonneuve, ou encore du programme de musiques numériques de l’Université de Montréal, où étudie la musicienne et vidéaste Myriam Boucher. Elle performera pour une seconde année de suite à l’Igloofest, qu’elle considère comme une « vitrine grand public » de choix pour des créateurs de sa trempe. « Un environnement où le spectateur est complètement en immersion, c’est ça, l’Igloofest. En tant que VJ, le but est de faire vivre une expérience sensorielle, visuelle, unique. Ça m’inspire. »

« Je viens de la musique électroacoustique. Dans ma pratique, j’ai l’habitude de développer la vidéo en lien avec la musique, mais dans un contexte disons moins accessible… [Le milieu de] l’électroacoustique évolue en circuit fermé, même si des événements grand public démontrent une ouverture » à cette discipline aride au premier coup d’oeil et qui appartient beaucoup au milieu universitaire. « Pour moi, faire VJ, c’est avoir carte blanche. J’aborde ce travail comme je le fais avec ma musique électro-acoustique, or c’est le contexte qui change. Je m’y adapte, en proposant des images plus colorées, par exemple, et au bout du compte, faire VJ reste un terrain d’expérimentation très ouvert, même si c’est plus accessible. »

Lauréate de la bourse Euterke destinée « à soutenir la nouvelle génération de créateurs du numérique », Myriam Boucher s’est également distinguée à l’international grâce à deux de ses oeuvres. Candidate à la maîtrise, sa recherche porte sur l’écriture musicale de l’image à partir des fondements de la musique électroacoustique : « J’aborde la matière visuelle comme de la matière sonore, et je me base sur des fondements musicaux pour montrer l’image et la définir : les mouvements, les couleurs et les relations qu’elles peuvent engendrer sur le plan de la perception. »

Ainsi, c’est à l’intersection de l’image et de la musique que le travail du VJ prend son sens, ainsi que l’explique VJ MA, dont les choix de programmation sont guidés « principalement par une réflexion autour de la relation entre image et son. C’est le plus important dans le travail du VJ : la performance, le travail scénique en temps réel. C’est ce que je veux mettre de l’avant, une cohérence entre DJ et l’artiste visuel auquel on l’associe. »

Le travail du VJ consiste en amont à écouter et à comprendre celui du DJ invité, et de choisir les bonnes images pour le type de musique qu’il sera susceptible de diffuser. « Parfois, le visuel cadre parfaitement, et souvent, c’est un pur hasard, explique TiND. On pige dans notre banque d’images, ou on crée du nouveau visuel spécialement pour l’occasion », ce qui exige beaucoup de temps. « Être VJ, ajoute TiND, c’est être créateur-vidéaste. Le VJ est souvent aussi motion designer, créateur 3D, même créateur d’effet spéciaux » comme VJ Push 1 Stop (Cadie Desbiens), qui a adapté ses techniques de création d’effets numériques pour faire VJ.

« Elle est hallucinante, faut pas la rater ! » insiste Théberge. Push 1 Stop habillera la performance de la tête d’affiche musicale, l’Allemand Apparat. Ouvrez grand vos yeux, et nul besoin de porter une seconde paire de bas, la soirée s’annonce clémente, à 3 °C.

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