Amazon et le jazz

Amateurs de jazz, buongiorno. Bien, aujourd’hui, on vous le dit d’emblée, on sera plus économiste que jazz. C’est ennuyeux ? Oui, on le sait. Mais bon, on veut rendre service, car la chaîne des bouleversements sur les flancs, et non le flanc, de la distribution ne cesse de progresser à un rythme toujours plus rapide et ample. Autrement dit, aussi vertical qu’horizontal. Grâce ou à cause, c’est selon, d’une seule et même compagnie : Amazon.
À des fins de logique comme de clarté, on se doit de suivre la chronologie des faits inhérents à la stratégie d’Amazon et donc de rappeler certains d’entre eux avant de s’attarder à ceux observés tout récemment. Il y a environ 13 mois de cela, cette compagnie a ouvert une immense librairie-disquaire à Seattle, où est situé son siège social, avant d’en inaugurer une deuxième à San Diego. Dans la foulée, le Wall Street Journal (WSJ) soulignait que le plan jusque-là secret de l’entreprise consistait à avoir pignon sur rue dans 250 villes en Amérique du Nord, et pas seulement aux États-Unis, d’ici cinq ans.
Le « scoop » du WJS avait d’autant plus surpris que le plan original (1995) de Jeff Bezos, le fondateur et p.-d.g., était de livrer une concurrence tous azimuts aux chaînes de magasins, les HMV, Archambault-Renaud-Bray et autres, par l’entremise de commandes réalisées par Internet, donc avec moins d’intermédiaires. Dans un premier temps, la force de frappe déployée par Amazon fit d’énormes dégâts puisqu’elle mit sur la paille les réseaux des grandes surfaces Borders et Tower Records en plus de fragiliser passablement Barnes & Nobles et HMV. Dans le cas de cette dernière, la faillite a été évitée de justesse il y a six ou sept ans.
Cela étant, en 2013-2014, la haute direction d’Amazon constata qu’elle ne serait pas en mesure de livrer le rendement sur l’avoir des actionnaires qu’elle s’était engagée à atteindre en 2015, soit 20 ans après sa création. La raison était toute simple : les indépendants avaient résisté beaucoup mieux que ce qui avait été prévu. Au terme d’une enquête sur cet aspect du dossier, les journalistes du New York Times avaient découvert que, selon les recherches de firmes en marketing, le principal moteur quotidien des ventes de disques comme d’ailleurs des livres était… les anniversaires ! Mais encore ? Une fille ou un gars se rend chez l’indépendant, lui signale que le père aime Duke Ellington, et vous devinez le reste.
Depuis lors, Bezos et ses collègues ont imprimé un certain nombre de modifications sur la stratégie d’origine. Dans le cas qui nous occupe, soit le jazz et le blues, Amazon s’en tient de plus en plus à un rôle d’intermédiaire entre les étiquettes et nous, les consommateurs, plutôt qu’à un rôle de vendeur et de distributeur. Au cours des deux dernières années, la compagnie a signé des ententes de distribution avec près de 2300 étiquettes de jazz et de blues à travers le monde.
Ensuite ? À la fin de décembre, les limiers de l’agence de presse Reuters ont découvert qu’Amazon disposait désormais d’une flotte composée de 40 avions loués et faisant la navette entre dix aéroports situés à proximité de leurs entrepôts répartis sur le territoire américain. Dénominateur commun de ces aéroports ? Ils sont situés assez loin des « gros », soit là où les frais d’utilisation des infrastructures sont moins élevés. Aujourd’hui, Amazon est en mesure de livrer une concurrence plus musclée à UPS et FedEx pour ce qui a trait à la rapidité de livraison.
Dans son usage des avions, Amazon a intégré une variable particulière. Aux disques et livres qui ont été commandés et donc rassemblés dans un Boeing ou autre, les gestionnaires ajoutent depuis peu et en permanence des produits légers. Oui, des kleenex, des essuie-tout, etc. Car il se trouve qu’au cours du présent mois, un nouveau type de magasin va être ouvert au public.
En effet, lors des dernières semaines, Amazon a expérimenté une épicerie sans caisses ouverte seulement à ses employés. Pour faire court, à moyen terme, l’objectif est le suivant : livrer une concurrence plus prononcée à Wal-Mart, qui combine produits alimentaires avec CD, DVD, etc.
Résultat net : la combinaison des variables évoquées et introduites depuis l’exercice 2014-2015 permet des économies d’échelle importantes. Au ras des pâquerettes, on s’est rendu compte que, comparativement à Archambault–Renaud-Bray, on faisait une économie moyenne de 6 à 7 $ sur bien des disques de jazz et de blues.