POP Montréal 2016: pas encore seize ans

Le concert de l’artiste John Cale a été l’un des moments forts de ce POP 2016, selon son directeur, Dan Seligman.
Photo: Louis Longpré Le concert de l’artiste John Cale a été l’un des moments forts de ce POP 2016, selon son directeur, Dan Seligman.

Avoir quinze ans ne veut absolument rien dire, martèle le directeur de POP Montréal Dan Seligman, qui songe déjà aux célébrations de l’an prochain, seizième anniversaire, le « Sweet Sixteen » de son festival. La présente édition, qui s’est terminée hier soir avec les concerts de la Brésilienne Luisa Maita et de l’insaisissable improvisatrice Annette Peacock aura offert de nombreux concerts mémorables « dans des salles généralement bondées », précise le directeur à l’heure des bilans.

« Je pense que ce fut un beau succès, ne serait-ce que sur le plan de l’ambiance, de la réaction du public, des bénévoles et des musiciens invités », affirme Dan Seligman, encore en train de colliger les statistiques de cette 15e édition. Les premières impressions provenant de la billetterie indiquent un succès : si les « super-passes » donnant accès à tous les concerts ont trouvé peu de preneurs, les billets à la pièce et, surtout, l’option Pop Hopper (moyennant 15 $ de plus à l’achat d’un billet, l’option permet d’assister à n’importe quel autre spectacle durant la soirée) se sont encore avérés un vif succès. « On a la bonne combinaison de ventes de billets, de commandites et d’appui des autres partenaires », résume le directeur.

Étonnant de voir une créature aussi anarchique que POP Montréal, éparpillant ses quelque 450 concerts sur une cinquantaine de lieux différents, se dérouler avec tant d’aisance. Certes, il y a bien eu ces quelques annulations — « six ou sept groupes, aucune grande tête d’affiche », confirme le directeur —, comme celle du DJ Shinehead (remplacé au pied levé par les Montréalais Jah Cutta et Johnny Black) vendredi soir et les vétérans de la scène Miami bass 69Boyz samedi soir. Décevant, mais rien qui ait porté ombrage à cette nouvelle réussite.

Dan Seligman croit qu’on se souviendra de l’édition 2016 pour la qualité des concerts présentés par les têtes d’affiche, surtout « John Cale, au Rialto, et [l’artiste électro-conceptuel] Babyfather », à la SAT. Colin Stetson et son ensemble sont aussi en haut de la liste du directeur. Le saxophoniste proposait vendredi soir dernier sa relecture de la Symphonie no 3 de Gorecki, de manière très fidèle à la version qu’il a enregistrée. Déplorons toutefois le choix de la salle, à l’acoustique capricieuse et, surtout, à la sonorisation inadéquate pour rendre toutes les subtilités des orchestrations. Une salle comme le Gésù aurait mieux servi l’orchestre, plutôt que la Fédération ukrainienne.

Plus tard ce même vendredi soir, l’Américaine Angel Olsen était attendue de pied ferme dans un Rialto comble. Son album tout chaud, My Woman, a été décliné avec l’aide d’un orchestre splendide, aux guitares électriques fines. Sur scène, Olsen a non seulement fait la preuve par quatre de ses belles qualités vocales, mais elle a aussi réaffirmé son affection pour les musiques de racines américaines, alors que les couleurs country transparaissaient nettement plus que sur son dernier disque. Belle consécration pour cette artiste qu’on a déjà hâte de revoir à Montréal.

Avec les Peacock et Cale, le claviériste français Wally Badarou complétait le trio des légendes musicales invitées pour cette quinzième édition. Après sa conférence, il s’est produit jeudi dernier dans une Sala Rossa transformé en sauna ; accompagné de deux autres claviéristes, le héraut des belles années des studios Compass Point des Bahamas (Black Uruhu, Grace Jones) a décliné ses compositions, principalement celles de l’album Echoes (1984), dans une performance sympathique évoquant une sorte de Kraftwerk antillais.

Hors des sentiers battus

 

Mais POP Montréal, c’est d’abord le théâtre de formidables découvertes, d’errances d’une salle à l’autre pour dénicher le nouveau talent, et cette édition n’en a pas manqué. Si Vesuvio Solo et sa chanson soft rock bancale a, à force de refrains bien tournés, fini par nous convaincre, en première partie de Badarou, nous aurons surtout été marqués par notre rencontre avec le duo montréalais La Fièvre (Ma-Au Leclerc et Zéa Beaulieu-April) qui propose une pop électronique hargneuse et exploratrice qui emprunte beaucoup, dans ses structures rythmiques et sa manière d’incarner le texte (en français), l’énergie du rap. Devant une trentaine de spectateurs, au Studio Rialto, le duo a fait belle figure. À suivre, notamment sur leur page lafievrelafievre.bandcamp.com.

Mentionnons aussi la performance chaleureuse et engageante du chanteur et rappeur D.R.A.M., au sous-sol du Rialto, samedi dernier. La rappeuse nigériane Princess Vitarah avait d’abord mis la table avec son trap salace, D.R.A.M. l’a embellie avec son grand sourire, sa voix R&B ferme et agile et ses chansons rap joyeuses. Avec un seul EP et un mixtape à son actif, l’auteur des succès (underground) Brocoli et Cash Machine a gagné beaucoup de fans montréalais ce soir-là. Une autre belle prise de POP Montréal.

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