Dear Criminals aime évoluer hors de sa zone de confort

Charles Lavoie, Frannie Holder et Vincent Legault forment le groupe Dear Criminals.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir Charles Lavoie, Frannie Holder et Vincent Legault forment le groupe Dear Criminals.

Composer pour le cinéma, la télé, le théâtre, la danse et l’opéra, rien ne semble être à l’épreuve du trio montréalais Dear Criminals. Autant d’occasions de sortir de sa zone de confort et d’explorer son art, assurent Frannie Holder, Charles Lavoie et Vincent Legault, qui reviennent enfin à leur pop exploratoire sur un nouveau EP, Another Picture, et avec ce concert unique présenté ce soir à l’église Saint-Jean-Baptiste, où le groupe sera accompagné du choeur de l’école Joseph-François-Perrault.

Il est facile de se perdre dans l’oeuvre de Dear Criminals, et pas seulement à cause de la nature rêvasseuse et contemplative de ses compositions, une chanson mélodieuse aux tons de folk chauffée par de chatoyantes guitares électriques et brodée de rythmes et d’orchestrations électroniques. Le matériel enregistré depuis la sortie du premier single, holyfox, lancé en 2012, est impressionnant : à l’album weapons | crave (2015), il faut ajouter cinq mini-albums et des heures encore de musique destinée à des compagnies théâtrales ou au cinéma – le groupe signe la bande originale de Nelly, nouveau long-métrage d’Anne Émond.

« À cause de tous ces projets, on s’est dit que ce serait le temps qu’on sorte quelque chose », commente Vincent Legault, qui évoque au passage leur travail sur la musique d’un opéra, mandat qui les mènera à Paris en janvier. Les fans, ajoute-t-il, ont pris l’habitude aussi de découvrir du Dear Criminals tout neuf à l’intervalle de quelques mois, voire quelques saisons.

Mise à jour musicale

Prenons alors Another Picture, EP de trois compositions tout frais, comme une sorte de mise à jour musicale du groupe. La première chanson, Cold Wave, s’inspire de la musique qu’ils ont composée pour Things Are Leaving Quietly, in Silence, ballet du chorégraphe et danseur Frédéric Tavernini, qui avait commandé au trinôme montréalais une relecture du Sacre du printemps de Stravinsky. « Dans la mélodie, on peut reconnaître le thème d’ouverture », ajoute Charles en chantonnant l’air.

À explorer autant d’avenues musicales, les musiciens ont fini par élargir leur horizon. « Par exemple, explique Vincent, on travaille sur la musique d’une série télé — une scène de poursuite, précisément. Rendu là, on ne parle plus de musique, mais de conception sonore. Depuis le début de Dear Criminals, je crois qu’on travaille beaucoup sur la recherche sonore, mais là, ça nous oblige à pousser nos instruments, à aller chercher d’autres sons, et même à jouer sur les structures, les formes. »

« Au-delà de l’aspect musical de ces projets, des shows de danse ou de théâtre, ce qui m’intéresse dans ce genre de mandat, c’est l’aspect plutôt “culturel” de travailler dans ces disciplines, et tout ce qui entoure la réflexion [des artistes avec qui on collabore] », dit Frannie.

« Qu’est-ce qui les pousse [plus loin] dans leur création ? Qu’est-ce qui stimule un processus créatif ? Quel est leur message ? Aussi : quel rapport entretiennent-ils avec les autres artistes au sein de leur discipline ? Y’a-t-il de la compétition, vont-ils voir les productions des autres ? C’est intéressant parce qu’on se rend compte que c’est complètement différent de ce qu’on vit [dans le milieu de la musique], ne serait-ce que dans l’urgence qu’on a de produire, la rapidité avec laquelle [la musique] sera consommée. »

Plus vite

 

Ce contact avec l’autre artiste, l’artiste différent d’eux, allège le processus de création, libère le trio dans sa propre démarche, affirme Frannie. « Aujourd’hui, on se pose beaucoup moins de questions à propos de notre travail. On a une idée, l’envie de la sortir, on la sort », même si la manière de le faire ne cadre pas tout à fait avec les méthodes de l’industrie de la musique — chose que le trio fait sans étiquette de disque, de manière tout à fait indépendante. « Ça va beaucoup plus vite », ajoute la musicienne.

Les deux autres compositions de Another Picture, The Frame et Playground, amèneront incidemment l’auditeur dans ces univers musicaux explorés plus récemment par Dear Criminals, promettent les musiciens — elles étaient encore à l’étape du matriçage au moment de notre rencontre, matriçage d’ailleurs réalisé par la New-Yorkaise Emily Lazar du studio The Lodge, qui a donné du lustre à des albums de Bowie, Björk, Death Cab for Cutie, Vampire Weekend et de nombreuses autres pointures.

Le premier extrait dévoilé, une chanson pop sophistiquée qui affiche l’élégance à laquelle le trio nous a habitués, ne bousculera pas les fans de la première heure, cependant. Croisons-nous les doigts pour que Dear Criminals la joue ce soir sous la nef : avec le choeur des élèves, et les arrangements vocaux écrits par Vincent, nous devrions être portés aux nues.

L’envie de travailler avec le choeur de l’école Joseph-François-Perrault tient du symbole, puisque Frannie et Vincent l’ont fréquentée. « Lorsque nous étions étudiants, il y avait une séparation entre musique classique et musique pop, dit Frannie. Peu de fois avons-nous été invités à jouer dans des contextes de musique populaire. Aujourd’hui, le chef de choeur désire que les jeunes utilisent la musique comme [outil de] dialogue social » entre les gens, les tribus musicales, voire les disciplines artistiques. Un idéal que s’emploie à promouvoir Dear Criminals.

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