Retour aux sources de la Sicile métissée

Pour le début de sa 15e saison, Constantinople s’aventure sur les pistes siciliennes en s’associant à la chanteuse multi-instrumentiste Matilde Politi pour la création d’Île des trois mers. Ce projet, qui sera présenté pour la première fois au Québec ce samedi à la salle Bourgie, complétera un programme double qui sera également composé du matériel de Passages, le nouveau disque récemment paru chez Buda Musique en France.
Explications de Kiya Tabassian, le directeur artistique de Constantinople. « Le répertoire de ce CD se rapproche beaucoup de celui de Carrefour de la Méditerranée IV. Il renferme de nouvelles compositions du joueur d’oud Charbel Rouhana, de la joueuse de kanun Didem Basar et de moi. Le son est très proche de la tradition, sans batterie, mais également très nouveau parce qu’on a tous une approche très créative avec nos instruments. »
Charbel Rouhana est l’un des joueurs d’oud parmi les plus reconnus de sa génération au Liban. Issu de la musique orientale aussi bien classique que religieuse ou profane, il aborde plusieurs influences de la planète, mais ne perd jamais de vue l’empreinte première de sa musique. Quant à Didem Basar, elle est issue de l’école turque du kanun. Maintenant résidante de Montréal, on l’a également connue à cause de ses collaborations avec Ismail Fencioglu.
En plus de Charbel Rouhana et de Didem Basar, on retrouve également sur le disque Passages Neva Özgen, la virtuose turque du kemençe, et le multipercussionniste Patrick Graham, qui a étudié les techniques de jeu des tambourins italiens.
Sicile, carrefour de cultures
Tous ces artistes reviennent pour Île des trois mers, le projet inspiré par cette Sicile, la plus grande île italienne, qui est entourée par la mer Tyrrhénienne, la mer Ionienne et la Méditerranée. Pour animer son patrimoine, on a fait appel à Matilde Politi, que Kiya Tabassian présente : « Elle a fait beaucoup de recherches sur les chants populaires et folkloriques de la Sicile. Elle compose aussi des chants dans le même style. Elle chante avec beaucoup d’intensité et cela paraît à la fois dans son visage et dans son corps. Elle défend l’idée que la musique sicilienne est métissée, tout comme la population de l’île, les monuments, l’architecture. Dans cette musique, les percussions sont importantes et les modes comme les rythmes sont proches de ceux du Moyen-Orient. On a donc essayé d’aller chercher dans ces couleurs. »
De quoi se compose donc le caractère métissé de la Sicile ? « La Sicile a été arabophone pendant plusieurs siècles, répond Kiya Tabassian. On a trouvé de magnifiques poèmes d’Ibn Hamdis, un grand poète sicilien de l’époque qui écrivait en arabe. Sur sa poésie, nous avons fait plusieurs compositions originales. Certains poèmes seront chantés à moitié en arabe, à moitié en sicilien. »
Et il y a plus : « On sait qu’historiquement, il y avait en Sicile beaucoup de Perses. Il y a aussi une présence turcophone et juive. Tout cela a influencé la musique. L’île est passée dans tous ces courants chrétiens, musulmans et juifs, philosophiques et poétiques, poursuit le directeur artistique. Matilde m’a fait entendre des enregistrements de chants des années 1920 jusqu’en 1930. On y entend encore plus qu’aujourd’hui cette diversité de genres. Après la Deuxième Guerre mondiale, avec la présence de la télé, toutes ces couleurs particulières de différentes traditions se sont de plus en plus effacées. Raison de plus pour les retrouver et les recréer. »
Passages, de Constantinople, sur étiquette Buda Musique, en vente maintenant en ligne ou en magasin en novembre.
, expliqueKiya Tabassian.
Mathilde Politi - Figghiu miu