Philippe Bélanger, musicien cascadeur

Pendant que Philippe Bélanger improvisera une trame sonore originale du film «Pour l’amour du ciel» à la Maison symphonique, cette improvisation sera retransmise à l’extérieur, sur le parterre du Quartier des spectacles, où le film sera projeté.
Photo: Wikicommons Jeangagnon Pendant que Philippe Bélanger improvisera une trame sonore originale du film «Pour l’amour du ciel» à la Maison symphonique, cette improvisation sera retransmise à l’extérieur, sur le parterre du Quartier des spectacles, où le film sera projeté.

Jeudi, dans le cadre du volet extérieur gratuit de la Virée classique, Philippe Bélanger improvisera en direct à l’orgue Pierre-Béique de la Maison symphonique une trame sonore originale pour le film muet Pour l’amour du ciel avec Harold Lloyd. Cette improvisation sera retransmise à l’extérieur, sur le parterre du Quartier des spectacles, où le film sera projeté. Comment se prépare-t-on à un tel exercice ?

Philippe Bélanger

Au début du processus, il y a le choix du film, qui se fait en collaboration avec l’OSM. « Certains critères sont importants », dit Philippe Bélanger au Devoir. « Je ne pense pas à la musique au début, mais elle doit être possible de différentes manières. Les films très courts, par exemple, sont des condensés de microévénements qui changent très rapidement : c’est moins drôle pour un improvisateur, car il ne peut rien développer. C’est comme servir des shooters à la chaîne : on mélange trop vite, trop d’ingrédients et de saveurs et, à la fin, tout le monde est malade. »

Le bon film pour un tel projet « offre la possibilité de proposer une diversité de saveurs de style et laisse le temps d’élaborer un discours complet au sens de la structure musicale, où images, histoires et contextes sont évocateurs de rythmes, de gestes, de mouvements, d’émotions que je dois traduire musicalement. »

Cuisine et cascades

 

« Certains films sont meilleurs ou plus intéressants que d’autres, mais il y a toujours la possibilité de commenter musicalement un film », considère Philippe Bélanger.

Sa discipline est une maîtrise de l’éloquence. « Vous ne vous entraînez pas à discuter la veille d’un souper important. Être musicien professionnel, c’est posséder la langue, le vocabulaire et la chose dont on traite et être capable spontanément de s’exprimer ou commenter. » Le Richard Garneau de l’orgue se voit « comme un commentateur sportif en direct ». Et le « bon commentateur » sera capable de pimenter des choses « avec de l’humour et de l’élégance ».

« C’est comme Evel Knievel, légende du monde de la motocyclette et grand cascadeur. S’il nous disait “Et maintenant, je vais sauter par-dessus une poubelle”, personne n’irait le voir. Evel Knievel, il saute par-dessus des rangées de voitures ou d’autobus. Il y a un côté cascade, dans ce que je vais faire jeudi. J’aime cela. »

Surprise, donc : Philippe Bélanger ne va regarder qu’une seule fois le film de Charles Laughton, le matin même. « C’est mon plaisir, parce que j’ai confiance dans mes moyens de le commenter le soir même. Si c’est trop préparé, ce n’est plus de l’improvisation. Mon plaisir est surtout de préparer l’orgue comme un cuisinier prépare des bases avec lesquelles il va cuisiner. Je mets en mémoire des banques de sons, car l’orgue, cela ne se manipule pas comme un piano. Si l’on doit changer 80 ingrédients d’un coup parce que le mur vient de s’effondrer et que l’on se retrouve dans le plan suivant dans le bureau d’un notaire, il faut avoir l’ingrédient. »

Car dans ce processus, l’organiste assume tous les rôles : « Je suis le discours des comédiens, le narrateur, la trame sonore et le train qui passe. J’ai mille et une fonctions à assumer et des décisions à prendre sur le moment : cela me prend des sauces prêtes dans les armoires. » Ensuite, il lui faudra mémoriser les sauces et leur emplacement pour « ne pas être toujours après l’image ». Car, oui, le musicien improvisateur « peut changer dramatiquement l’impact du film, en loupant son commentaire. »

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