Stan Levey: maître batteur et boxeur

Stan Levey fut un maître batteur et un champion boxeur. Oui, oui, oui, il battait la mesure et encaissait les coups. Ceci explique cela : il fut l’as, et pas de pique SVP, des roulements de tambour qui commandent aux solistes d’improviser, puis de la fermer. Il fut si apprécié, autrement dit si demandé, qu’il fut et reste un des très rares musiciens à avoir tracé la diagonale entre deux points cardinaux du jazz : le « bibeaupe » et le « cool jazz », alias le jazz West Coast. Bref, il fut batteur et arpenteur.
On vous parle de lui aujourd’hui parce qu’il est le sujet d’une biographie intitulée Stan Levey – Jazz Heavyweight écrite par Frank R. Hayde et publiée par Santa Monica Press. Une biographie que son bon ami Charlie Watts a préfacée. Oui, oui, oui. Au fil des ans, le batteur des Stones est devenu un proche de son idole de jeunesse que fut Levey.
Le travail effectué par Hayde — ses recherches et ses entrevues — a ceci de passionnant qu’il retrace le parcours quasi typique d’un artiste de cette génération. Comme la majorité des bonzes du jazz dit « West Coast », il est né dans l’Est. Plus exactement le 5 avril 1926 à Philadelphie au sein d’une famille désargentée. Comme Art Pepper, Stan Getz, Gerry Mulligan, Shorty Rogers et consorts, il a joué dans des big bands.
Mais il s’est tout d’abord distingué en étant avec Max Roach le batteur permanent, et non surnuméraire, on insiste, des premières années du be-bop. C’est Dizzy Gillespie qui le premier lui mit le pied à l’étrier et lui prodigua mille et un conseils qui, selon Hayde, ont eu une influence très bénéfique sur Levey. Qui dit Gillespie dit évidemment Charlie Parker. Avec ce dernier, Levey resta des années. C’est aussi par ce dernier, le clochard céleste si cher à Jack Kerouac, qu’il fut initié à l’héroïne. Ainsi que le détaille Hayde, cette dépendance va lui valoir plusieurs séjours en prison.
Au cours de son association avec Parker, Levey va se lier d’amitié avec un homme réputé difficile, voire parfois asocial, soit Miles Davis. Jusqu’à la fin de sa vie, Davis entretiendra des liens avec Levey qui ont pour origine une réalité extérieure à la musique : la boxe. Pour aider sa mère à boucler les fins de mois, Levey fut boxeur professionnel avant d’être batteur. Pour faire court, Levey apprit les rudiments du « noble art » à Davis, qui en était fou. Bref, leur longue amitié part de là.
Après avoir joué et enregistré avec tous les poids lourds du jazz de cette époque, les « beboppers » comme les maîtres du jazz classique, Coleman Hawkins, Ben Webster et compagnie, Levey va s’installer en Californie. Avec Shelly Manne, il va devenir le batteur par excellence du « cool jazz ». Il battra la mesure pour l’emblématique Howard Rumsey’s Lighthouse All-Stars, pour Art Pepper et Chet Baker lors de l’enregistrement de The Route, pour Stan Getz, Shorty Rogers, Bob Cooper, Bill Perkins, Hampton Hawes… En un mot, il fut le pivot de la rythmique.

Ensuite, il fera ce que feront les meilleurs jazzmen de la côte ouest : du studio. Ainsi que le raconte son biographe, Levey a battu la mesure pour des dizaines et des dizaines de films, notamment The Kid of Cincinnati, Bullit ou encore Cool Hand Luke, des émissions de télé comme Mission Impossible, Mannix, Batman, Route 66 et d’autres, des artistes populaires comme Frank Sinatra ou Barbra Streisand, jusqu’à ce qu’il décide en 1973 d’arrêter la batterie pour son autre passion et son autre métier : la photographie. De cet abandon à sa mort en 2005, il n’a plus jamais « battu ».
C’est d’ailleurs ces derniers épisodes qui font de ce livre une porte d’entrée royale sur les univers du cool jazz et des requins de studio. Cela étant, ce livre est accompagné d’une discographie sélective fort bien conçue et d’un épilogue touchant car composé de vignettes sur des gens qui ont ponctué la vie du grand Stan Levey.
Dans son numéro du mois d’août, le magazine Down Beat dévoile les résultats de son 64e référendum. Les pianistes Vijay Iyer et Robert Glasper, le saxophoniste Kamasi Washington et la compositrice et arrangeuse Maria Schneider sont les principaux lauréats de ce dernier. Le pianiste Randy Weston fait son entrée dans le Hall of Fame. Quoi d’autre ? Les confidences assez marrantes de Michel Legrand sur son bon copain Miles Davis, plus les rubriques habituelles.
Le 28 juillet dernier, le Philharmonique de Los Angeles a exécuté pour la première fois un concerto pour violon composé par… Wynton Marsalis. Ce concerto, le célèbre trompettiste et directeur du Lincoln Jazz Orchestra l’a écrit pour la violoniste Nicola Benedetti.