Le retour de la musique de salon

Ils se nomment le Janoska Ensemble chez Deutsche Grammophon ou Salut Salon chez Warner. Leur apparition au disque marque le retour de la musique de salon.
Le genre est ancien. Les huit musiciens du Titanic, décédés pendant le naufrage, sont réputés pour avoir joué comme ultime pièce Plus près de toi, mon Dieu ! La musique de salon est étroitement liée à l’Allemagne et l’Europe centrale du XIXe siècle. Cette musique impliquant quelques instrumentistes (entre quatre et dix en général) vise alors au divertissement de la bourgeoisie et adapte fréquemment des airs d’opéras et d’opérettes à la mode. À la fin du XIXe siècle, cette musique meuble l’ambiance des cafés huppés et hôtels de luxe, où elle sera remplacée ensuite par le phonographe, la radio, le CD et la musique dématérialisée.
Au disque, plusieurs groupes se sont attachés, à partir des années 1980, à revaloriser le genre de la musique de salon et à ressusciter un répertoire souvent charmant. Prima Carezza chez Tudor, le Salonorchester Köln (EMI) et, surtout, I Salonisti, chez Eurodisc puis Decca, ont brassé un répertoire immense avec un souci constant de qualité.
Deutsche Grammophon a ensuite donné une touche tzigane au genre, avec les disques de l’Ensemble Roby Lakatos. Plus ponctuellement, en France, Sortie d’artistes a développé un répertoire local, alors que depuis quinze ans, au Canada, le Quartetto Gelato défend le genre.
Avec Salut Salon et le Janoska Ensemble, Warner et DG comblent une niche de répertoire, au même titre que ces « majors » ont engagé dans les dernières années clavecinistes, harpistes, trompettistes, guitaristes ou clarinettistes.
Salut Salon et le Janoska Ensemble défendent des esthétiques très différentes. Les premiers jouent sur des concepts, avec ambiances sonores, mélange des genres et des traditions (tangos, musiques africaines). Le dernier opus, Carnival Fantasy est un carnaval des animaux éclaté et interrompu par des pièces de diverses origines. Je n’arrive pas à connecter avec ce « happening sonore » qui se perd en cours de route.
Le Janoska Ensemble est bien plus traditionnel, au sens austro-hongrois du terme. Le répertoire est revampé par de nouveaux arrangements, parfois très jazzés, réalisés par le groupe lui-même. Pour ceux qui ont aimé les disques des Salonisti et trouvaient Lakatos un peu trop ardent, le Janoska Ensemble est à suivre et à déguster sans modération.
Ce tour d’horizon ne serait pas complet si nous ne rappelions pas l’excellent CD Miniatures viennoises (musiques de Schubert et Lanner) du Lanner Quartet, paru chez Hungaroton, un noble disque dont nous vous avons parlé le 27 mai dernier.
Janoska Ensemble. DG 481 2524.
Lanner Quartet. Hungaroton HCD 32766.