Une proposition différente de Montréal baroque

Parmi les propositions artistiques du millésime 2016 de Montréal baroque, La veuve Rebel à la foire Ville-Marie était sans doute la plus intrigante et la plus originale. Selon la description de la compagnie Le Nouvel Opéra, il s’agit d’un « spectacle de musique, chant, danse et théâtre en création inspiré par l’histoire des théâtres de foire du XVIIIe siècle ». À l’épreuve des faits, il s’agit, dans l’ordre, d’un spectacle de danse, de théâtre, de musique et, très accessoirement, de chant.
L’argument est grosso modo le suivant : madame Rebel, veuve du compositeur, monte un spectacle de théâtre de foire en dépit des tentatives d’interdictions de la comédie française et du ballet de l’opéra. La « foire Ville-Marie » est un outil de localisation qui variera en fonction du lieu de présentation. Lorsque le spectacle sera présenté en France, ce sera la « foire de Saint-Riquier » et quelques blagues seront adaptées à l’endroit. On se doute que les spectateurs de Picardie ne saisiraient pas les références à Hochelaga et à la tarte au sucre !
Avec minutie
L’argument est mince, mais sert à passer les plats, en l’occurrence la danse, coeur du spectacle. De ce point de vue, Marie-Nathalie Lacoursière poursuit, en la complexifiant, sa quête entamée depuis plus de dix ans sur les danses des XVe au XVIIIe siècles. Le spectacle La veuve Rebel est visiblement travaillé avec minutie du point de vue chorégraphique, comme au niveau des costumes et masques, remarquables. Le temps fort du spectacle est d’ailleurs la prestation de Lacoursière en solo dans Les Caractères de la danse, ou elle incarne successivement vieillard, ivrogne, coquette, usurier ou indifférente.
L’accompagnement musical est une réduction pour deux clavecins de la flamboyante musique orchestrale de Jean-Féry Rebel : l’économie s’est faite à ce niveau, mais si le projet se développe, rien n’empêchera d’y associer un orchestre, qui donnerait d’ailleurs une nécessaire aération par des intermèdes entre les tableaux 2 et 3 ou 3 et 4. Tel quel, le 3e tableau est peu utile ou le 4e (sur l’histoire d’Ulysse) un peu long.
Ce qui ne marche pas, du moins dans une salle où les sièges sont tous au même niveau, c’est que la scène n’est pas assez haute (on ne voit pas les pas de danse au-delà des trois premiers rangs !) et que le théâtre (en vieux français) n’est pas vraiment intelligible. Puisque l’authenticité du spectacle ne va pas jusqu’à l’éclairage à la bougie, la troupe pourrait peut-être utiliser un discret système d’amplification ?
En l’état, cette proposition artistique originale rallie un fort coefficient de sympathie grâce à une troupe d’artistes multifonctionnels très impliqués. Le spectacle est perfectible avant sa présentation ailleurs.