Tagaq of the Art

La Terre a fait un tour sur elle-même. Nous en étions au deuxième jour du Festival international de musique actuelle de Victoriaville (FIMAV) et l’on est passé de l’Europe au Nunavut, comme ça, en claquant des doigts. Si le soleil nous brûle les yeux en sortant des salles, les oreilles elles, ne demandent que davantage.
Dans la presque pleine lune, la louve Tanya Tagaq allait se métamorphoser sous nos yeux alors que nous, humbles mortels, trépignions d’envie de la voir s’exécuter. Depuis son passage au FIMAV en 2010 d’où avait émergé l’album Anuraaqtuq, la gagnante du prix Polaris 2014 était difficile à piéger de nouveau. « Nous travaillons là-dessus depuis plusieurs années, de lancer le directeur général et artistique Michel Levasseur, ça nous a pris deux ans pour en arriver à ce concert, jumelé à deux jours d’atelier pour la chorale. »
Et elle fut. Avec son col à broderies perlées et sa jupe à frange, la Bjork inuite s’adresse à nous timidement, mais visiblement heureuse d’être de retour. « It’s really exciting to be here. But I don’t feel monolizing… let’s play! » Entourée de l’Element Choir, dirigé par Christine Duncan, la princesse polaire aux pieds nus s'accomplit après quelques coups d’archets à l’irlandaise de Jesse Zubot.
Et comme on pouvait s’y attendre, ses chants gutturaux font frissonner tout ce que nous avons de peau. Son visage simule tous les masques du nô. De ses mains agiles, elle dessine les carcasses du passé qui gisent aux pieds des enfants du Nunavut. La petite fille d’Ikaluktutiak possède entièrement la chanteuse, sauf quand le monstre attaque. De ses entrailles, la souffrance de tout un peuple rejaillit pour transfigurer son être et le nôtre. Puisant dans cette tristesse sublime la force de monter dans les notes les plus aiguës, elle et sa meute explorent la force de la sensualité.
Les réverbérations extrêmement bien travaillées par Peter Kadelbach nous font oublier qu’on assiste à de l’improvisation sans mot. Jean Martin, Bernard Falaise et le chœur tracent un cercle de protection contre les assauts du malin. Toute puissante, la chamane Tagaq a ensorcelé toutes les âmes présentes. Il fallait observer celles et ceux qui la voyaient pour une première fois, la bouche béante, les yeux hagards d’une proie facile… et la redemandant pour un rappel. Ce qui fût.
***
Notre journaliste couvre le FIMAV jusqu’à dimanche soir. Lisez entre autres le compte-rendu des concerts du « Bagatelles » Marathon de John Zorn sur ledevoir.com.
Dans la presque pleine lune, la louve Tanya Tagaq allait se métamorphoser sous nos yeux alors que nous, humbles mortels, trépignions d’envie de la voir s’exécuter. Depuis son passage au FIMAV en 2010 d’où avait émergé l’album Anuraaqtuq, la gagnante du prix Polaris 2014 était difficile à piéger de nouveau. « Nous travaillons là-dessus depuis plusieurs années, de lancer le directeur général et artistique Michel Levasseur, ça nous a pris deux ans pour en arriver à ce concert, jumelé à deux jours d’atelier pour la chorale. »
Et elle fut. Avec son col à broderies perlées et sa jupe à frange, la Bjork inuite s’adresse à nous timidement, mais visiblement heureuse d’être de retour. « It’s really exciting to be here. But I don’t feel monolizing… let’s play! » Entourée de l’Element Choir, dirigé par Christine Duncan, la princesse polaire aux pieds nus s'accomplit après quelques coups d’archets à l’irlandaise de Jesse Zubot.
Et comme on pouvait s’y attendre, ses chants gutturaux font frissonner tout ce que nous avons de peau. Son visage simule tous les masques du nô. De ses mains agiles, elle dessine les carcasses du passé qui gisent aux pieds des enfants du Nunavut. La petite fille d’Ikaluktutiak possède entièrement la chanteuse, sauf quand le monstre attaque. De ses entrailles, la souffrance de tout un peuple rejaillit pour transfigurer son être et le nôtre. Puisant dans cette tristesse sublime la force de monter dans les notes les plus aiguës, elle et sa meute explorent la force de la sensualité.
Les réverbérations extrêmement bien travaillées par Peter Kadelbach nous font oublier qu’on assiste à de l’improvisation sans mot. Jean Martin, Bernard Falaise et le chœur tracent un cercle de protection contre les assauts du malin. Toute puissante, la chamane Tagaq a ensorcelé toutes les âmes présentes. Il fallait observer celles et ceux qui la voyaient pour une première fois, la bouche béante, les yeux hagards d’une proie facile… et la redemandant pour un rappel. Ce qui fût.
Les tubes
Vendredi après-midi, rendez-vous avec Microtub pour une leçon numéro un de tuba microtonal, un instrument conçu par Robin Hayward en 2003. Le voilà qui interprète avec Peder Simonsen et Martin Taxt sur une petite scène ornée de microsculptures. Mi-corne de brume, mi-orgue, l’ensemble joue doucement en se regardant dans les yeux. Il nous vient à l’esprit qu’ils mettent du son sur la télépathie, entre le brouillard des idées et le diapason de nos vibrations.Entrez dans la transe
Elle en a dedans, la Bérangère Maximin. On nous promettait « objets sonores, artéfacts microphoniques, chimères numériques », et on a eu plus que ça avec son Siklon. Toute menue derrière son ordinateur, elle nous prend vigoureusement par la main et nous amène sous l’eau. Le voyage commence, d’une traite jusqu’à la respiration, où l’orage gronde et éclate. Architecte d’un monde riche et tout sauf tétanisé, la Française égrène son « chapelet de l’heure dans l’horizon ». On aurait parfois voulu plus intense, on aura eu plus beau, c’est tout, et c’est bien ainsi.Saumon sur le Ggril
Jeudi soir, le chef d’orchestre français Olivier Benoit dirigeait le GGRIL de Rimouski et l’Ensemble SuperMusique de Montréal pour une valse foudroyante entre l’air et l’eau. Dans les flots, on remarque la présence d’Éric Normand, Joane Hétu, Martin Tétreault et un Jean Derome très sérieux. Saumon bleu débute avec une éreintante symphonie de souffles sans note dans les micros. Benoit s’agite comme un poisson dans l’eau et les musiciens le suivent, comme hypnotisés, à l’instar de l’auteure de ces lignes. Entre une singulière partie orchestrée autour des sons des touches des instruments (Ida Toninato au saxophone baryton!) et un fond de tableau couleur de lune (Tom Jacques, remarquable avec cette peau de tambour), Olivier Benoit contraint l’improvisation par ses nombreuses instructions, mais fait briller grâce à sa virtuosité une ribambelle de musiciens non moins talentueux.***
Notre journaliste couvre le FIMAV jusqu’à dimanche soir. Lisez entre autres le compte-rendu des concerts du « Bagatelles » Marathon de John Zorn sur ledevoir.com.