Horizons lointains, espaces communs

Après les voies de l’Anatolie et de l’Afrique de l’Ouest, les Montréalais de Constantinople se lancent vers celles de l’Europe avec Belem, le groupe composé de Didier Laloy à l’accordéon diatonique et de Kathy Adam au violoncelle. Révélé ici l’an dernier au Carrefour mondial de l’accordéon de Montmagny, le duo belge propose une splendide musique de création mélangeant l’esprit de la musique de chambre à celle de plusieurs traditions sonores de l’espace Schengen. Avec Kiya Tabassian et Didem Basar de Constantinople, ils offrent le concert Horizons – Lointains ce vendredi à la salle Bourgie. C’est une rencontre à travers les horizons lointains, certes, mais aussi dans tous les espaces communs créés en quatuor.
Au téléphone, Didier Laloy se montre très enthousiaste : « Nos univers se mélangent très fort. Nous, on est plus ancrés dans une tradition de musiques française, belge, hongroise et suédoise, alors qu’eux sont plus orientaux. Quand on écoute ce qu’on a travaillé ensemble, on ne peut pas dire l’origine des morceaux, si c’est une composition qui vient de l’Europe ou de l’Orient. On s’est d’abord rencontrés humainement, puis, naturellement, on est arrivés à faire quelque chose. »
Carte blanche
Ils se sont d’abord connus dans un festival il y a deux ans et demi. Puis, Kiya Tabassian s’est invité chez Didier Laloy, où ils ont joué ensemble et réfléchi sur le type de combinaison qui serait le plus intéressant pour eux. Il y a trois mois, Belem recevait une carte blanche et se produisait à Bruxelles avec quelques ensembles, dont Constantinople en duo. Avec les Montréalais, ils se sont amusés à mélanger leurs oeuvres respectives et ont élaboré un programme de trente minutes. Leur prestation de Montréal sera donc le premier concert complet de la création Horizons – Lointains.
Didier Laloy dit avoir eu une crainte avant l’élaboration du projet : « La musique de Kiya et de Didem est beaucoup plus improvisée, alors que la nôtre est ancrée, sans improvisation ou très peu. On a trouvé notre équilibre avec Didem et Kathy. Pour moi, travailler à deux, seul avec Kiya, c’était être trop dans de grandes pages blanches d’improvisation. J’avais besoin de Kathy pour me rassurer. »
Et le rythme, là-dedans ? « L’un de mes grands plaisirs, c’est la partie rythmique, et chez Constantinople, elle est très importante. Ils n’ont pas de percussionniste, mais énormément de rythme. Avec eux, il y a toujours un rythmicien dans l’ensemble. J’ai l’impression que les parties rythmiques sont davantage prises en charge par Kiya et moi, alors que Didem et Kathy s’occupent des mélodies et du caractère plus lyrique qui se dégage des pièces. »
Coup de coeur
Montmagny, été 2015, le duo Belem offre ses compositions à partir de leurs traditions, de leurs angoisses et de leurs enfants. La prestation est à la fois triste et trash, douce et drôle, violente et méditative, baroque et asymétrique : très libre avec ses montées subites, sa puissance émotionnelle et même un andro breton inspiré par…. la musique bulgare. Et leur disque est à l’avenant avec leurs influences classiques ou assez contemporaines, leur folklore sans lieux fixes, leur air de valse foraine tranquille et leur accent de musique de chambre. Un vrai coup de coeur !
Didier Laloy et Kathy Adam travaillent ensemble depuis plus de deux décennies. Il vient de la tradition, est passé par la world, le jazz et le pop rock. Elle est de formation classique, mais très ouverte à d’autres genres musicaux, et Belem est maintenant devenu sa priorité, tout comme celle de son complice. L’accordéoniste raconte : « Je trouve que l’accordéon et le violoncelle sont assez proches dans une tessiture médium grave. Ensemble, on a un son assez large qui fonctionne très bien. » En effet !