Mismar, la sérénité sans frontières

Le projet Mismar est celui du contrebassiste-compositeur Cédric Dind-Lavoie. On l’a connu au sein de plusieurs formations montréalaises à tendance ouest-africaine ou avec le groupe trad Bon Débarras, mais ne cherchez pas ici ces influences, puisque Mismar opte pour une musique introspective à la croisée du jazz et de la musique de chambre en pénétrant également des climats plus proches de ceux du Moyen-Orient, ce qui devrait plaire aux amateurs d’Anouar Brahem ou de Rabih Abou-Khalil. Prochaine étape : ce samedi à l’église St. James the Apostle alors que Mismar donne son deuxième concert en salle depuis la parution de l’album éponyme l’automne dernier.
Le groupe tire son nom du mizmar, qui est une flûte de la famille des hautbois. Cela s’explique par le fait que celui d’Annick Beauvais occupe une grande place dans la démarche, tout comme la guitare de Rémi Giguère. Cédric Dind-Lavoie raconte : « Le projet a démarré avec ces deux-là parce que je voulais des sonorités plus classiques, mais avec de super bons improvisateurs. Le hautbois permet d’avoir une couleur plus associée au classique, mais qui nous rappelle en même temps le Moyen-Orient avec une instrumentiste qui peut s’en aller où elle veut. Quant à Rémi Giguère, il a une formation classique avant tout, mais il a toujours adoré improviser. Il parvient même, en improvisant, à faire comme si c’était une fugue. »
En plus de Cédric à la contrebasse, deux autres musiciens de calibre complètent la formation : Guillaume Bourque à la clarinette nomade — un habitué de l’impro ou des climats sans passeports — et le multipercussionniste Bertil Schulrabe, un artiste énergique, mais qui peut aussi se faire très subtil en jouant avec les doigts. Cela est nécessaire dans cette musique plus intime sur disque, mais qui peut faire vivre un autre genre d’énergie en concert.
« Pour l’album, les pièces ont été travaillées avec un souci du détail et des passages écrits, mais on se rend compte que sur scène, on a une liberté et on n’hésite pas à ouvrir les sections des morceaux. On a toujours ce côté contemplatif, mais il y a des moments qui lèvent plus que sur l’album. Pour sa réalisation, j’avais moi-même demandé qu’on retienne un peu l’intensité, juste pour avoir un mood, qu’il n’y ait pas de moments stressants à l’écoute et qu’il y ait quelque chose de plus homogène », explique le leader de Mismar.
En dépit de cela, le répertoire relève de deux univers qui cohabitent bellement sur le disque : le jazz modal et un caractère plus harmonique. Le premier permet par exemple de splendides unissons entre hautbois et clarinette, alors que dans le deuxième, on entend davantage de complexité dans la structure des pièces. Dans tout cela, l’introspection est parfois projetée dans une atmosphère de grands espaces ou dans un folk intime. Des montées émotionnelles peuvent être denses et les tablas peuvent aussi s’animer. À cause du hautbois, on pense aussi aux tempos réconfortants du groupe Oregon.
Quels sont les contrebassistes qui ont le plus influencé Cédric Dind-Lavoie ? Il en cite trois : « Edgar Meyer est hallucinant. Il a fait le pont entre le jazz, le bluegrass et la musique classique. Avishai Cohen [l’homonyme du trompettiste], je le trouve inspirant comme musicien, mais aussi beaucoup comme compositeur. Et enfin, j’aime beaucoup le Montréalais Olivier Babaz. » Ce dernier vient de faire paraître l’excellent disque Odd Light, soit dit en passant.
Cédric vient donc de réaliser tout en douceur son passage des musiques ouest-africaines à celle plus atmosphérique de Mismar. Avec ses quatre complices, il pénètre maintenant ses latitudes sans bornes.