Tango endimanché

C’est aussi grâce à M. Larrea que le tango est arrivé à Montréal en 1978, alors que Piazzolla n’était pas encore connu ici.
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir C’est aussi grâce à M. Larrea que le tango est arrivé à Montréal en 1978, alors que Piazzolla n’était pas encore connu ici.

Avec Romulo Larrea, le tango revêt ses habits du dimanche. N’y cherchez pas les nouvelles expérimentations ou le sentiment de rupture qui caractérisent plusieurs créateurs qui pratiquent le genre aujourd’hui : celui qui est venu de Montevideo recherche le tango de prestige avec sa formule plus classique, qu’il offre dans les grandes salles du monde avec bandonéon, contrebasse et piano, mais aussi le chant de Verónica Larc, des paires de danseurs et un quatuor à cordes intégré au répertoire. Ce mercredi, le bandonéoniste montréalais offre La passion d’une vie en célébrant le quart de siècle de son ensemble au Théâtre Outremont à Montréal. Le lendemain, il récidive à la salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm à Québec.

Il ne serait donc pas question de prestations dans les clubs de musique : « Cette musique mérite la même reconnaissance que le ballet, l’opéra ou la musique symphonique, et nous devons la porter à l’international dans les salles de prestige », avait déclaré Romulo en 2007. Pour les amateurs de musique populaire, sa musique est classique, et pour les classiques, elle est populaire. Certains amateurs de tango ont critiqué un certain conservatisme qu’il apporte au genre, mais il a toujours poursuivi dans sa direction.

« Je veux me battre pour la formule. Je ne veux pas faire de shows intimistes. Nos spectacles sont conçus pour les grandes tournées qu’il faut planifier sur trois ou quatre ans. Je privilégie la proposition artistique et la qualité des musiciens. Parfois, un gérant peut te transformer selon la saveur du mois. Mais qu’arrive-t-il après, quand ça disparaît ? Notre ensemble est très différent des orchestres de tango et le quatuor à cordes a changé beaucoup le son du tango. »

C’est aussi par lui que le tango est arrivé à Montréal en 1978, alors que Piazzolla n’était pas encore connu ici. Deux ans plus tard, Romulo commence à se produire en spectacle, et on le retrouve à l’origine de Tango x 4, qui deviendra Quartango, le groupe qu’il quittera vers la fin de la décennie avant de rencontrer le grand Astor, à qui il présentera son projet de tango avec quatuor à cordes. Le maître appuiera le projet avec enthousiasme et quelques réserves. Romulo se rappelle : « Il m’avait dit : « Je ne peux même pas tourner en quintette. Ne le prends pas mal, mais tu es beaucoup moins connu que moi, comment vas-tu tourner avec sept musiciens ? » Il fut à la base de mon travail, et avec son matériel, j’ai pu attirer des artistes de qualité. Il avait un nom et une écriture différente. »

C’était en 1990, au début de la première étape de l’Ensemble Romulo Larrea. À la deuxième, le maestro montréalais a commencé à intégrer d’autres compositeurs très connus de Buenos Aires et de la région du río de la Plata. On se rappelle également l’épisode du Tango du coeur, consacré aux classiques québécois remaniés en tango. Et maintenant ? « Avec le spectacle La passion d’une vie, nous parcourons du premier au dernier tango composé,répond le tanguero montréalais. Je caresse ce projet depuis longtemps. Comment faire ça, pas seulement d’une manière pédagogique et intellectuelle, mais d’un point de vue artistique ? Quand je choisis un répertoire, je regarde ce qui se fait au niveau international. Nous avons retenu les Pugliese, Plaza, Gardel et Piazzolla en demeurant fidèles à ce qui a fait ma marque de commerce : respecter les compositeurs avec mes arrangements. »

Il s’en remet aux grands concerts. Ses plus récents disques remontent à une dizaine d’années : « J’ai assez de matériel pour faire paraître six disques, mais pourquoi les sortirais-je ? Pour donner mes droits aux gens de Silicon Valley ? Roger Waters parlait de cela l’autre jour à Tout le monde en parle. » De la scène, il tire un autre avantage ; porter la majesté du grand genre portègne.


Montréal : au Théâtre Outremont le mercredi 16 mars à 20 h. 

Québec : à la salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm le jeudi 17 mars à 20 h.


L’Ensemble Romulo Larrea - Viejo Tortoni

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