L’OSM à Washington: magie et générosité

Le premier concert de la tournée américaine de l’OSM, à Washington lundi soir, avait attiré, entre autres, dans la capitale américaine Lucien Bouchard, président du conseil d’administration de l’orchestre, la haute direction d’Hydro-Québec, le compositeur Sami Moussa et, surprise, le maire Denis Coderre, qui se joignait pour la première fois à une tournée de l’orchestre symphonique de sa ville. Il nous a assuré qu’il reviendra, afin de témoigner son soutien à « l’une des plus belles cartes de visite de Montréal ».
Tant qu’à l’avoir sous la main, à l’issue du concert, nous lui avons demandé de pallier un prétendu manque d’inspiration de notre part à travers la suggestion de qualificatifs que lui inspirait sa soirée. « Magique et généreux » fut sa réponse instantanée, et, à bien y songer, ces adjectifs sont judicieux.
La générosité fut patente : une transcription d’un volet de la 3e Partita de Bach en rappel pour Daniil Trifonov, la Pavane pour une infante défunte de Ravel et la Farandole de l’Arlésienne de Bizet pour l’orchestre après Le sacre du printemps. Et il y a eu cette brève adresse de Kent Nagano au public enthousiaste : « Merci beaucoup », en français dans le texte et rien qu’en français ! De la part d’un chef américain à un public américain, j’appelle cela la compréhension parfaite de l’ADN de Montréal.
De la magie, il en fallait pour, au final, ne pas voir Daniil Trifonov voler le show. Le pianiste russe a livré une interprétation quasiment irréelle du 3e de Prokofiev, hyperarticulée, accentuée et découpée, d’une félinité racée. Trifonov, qui n'a jamais joué avec orchestre à Washington, a reçu un accueil aussi délirant que mérité. Tout portait à croire que l’OSM risquait de devenir pour le public de Washington « l’orchestre qui nous a amené Trifonov ». Mais la magie des musiciens inspirés par Kent Nagano dans le Sacre du printemps a été d’égaler ce niveau en seconde partie.
Je suis décidément un inconditionnel des concerts de notre orchestre en tournée, où le niveau de maîtrise des œuvres est de nature à passer, musicalement, à « autre chose ». Car de la maîtrise naît la liberté. Dans le Sacre, Nagano peut ainsi accélérer un peu la Danse sacrale, creuser ici et là des figures d’accompagnement et des ponctuations en pizzicato. Le chef en tournée surdirige un peu, s’exprimant avec beaucoup d’emphase gestuelle sur des choses que l’on entend à peine, mais c’est agréable à suivre, et il parvient à décortiquer la partition tout en préservant, expressivement, la hargne païenne de l’œuvre.
Écouter un concert, lundi, au Kennedy Center, c’était aussi mesurer le bonheur d’avoir la Maison symphonique à Montréal. Le son, à Washington, manque de respiration et d’aération. Cela favorisait l’impact sonore physique du Sacre du printemps et du piano de Trifonov, mais nuisait aux subtils frémissements de Jeux de Debussy. En 40 minutes de raccord acoustique dans cette « boîte à sons », l’OSM n’a pas trouvé la formule pour traduire la subtilité des pianisssimos debussystes. La suite à New York, avec le Concert à Carnegie Hall. Le maire Coderre ne sera pas là pour nous souffler le titre : il retourne à Montréal pour une réunion du conseil.
Christophe Huss est à Washington à l’invitation de l’Orchestre symphonique de Montréal
Tant qu’à l’avoir sous la main, à l’issue du concert, nous lui avons demandé de pallier un prétendu manque d’inspiration de notre part à travers la suggestion de qualificatifs que lui inspirait sa soirée. « Magique et généreux » fut sa réponse instantanée, et, à bien y songer, ces adjectifs sont judicieux.
La générosité fut patente : une transcription d’un volet de la 3e Partita de Bach en rappel pour Daniil Trifonov, la Pavane pour une infante défunte de Ravel et la Farandole de l’Arlésienne de Bizet pour l’orchestre après Le sacre du printemps. Et il y a eu cette brève adresse de Kent Nagano au public enthousiaste : « Merci beaucoup », en français dans le texte et rien qu’en français ! De la part d’un chef américain à un public américain, j’appelle cela la compréhension parfaite de l’ADN de Montréal.
De la magie, il en fallait pour, au final, ne pas voir Daniil Trifonov voler le show. Le pianiste russe a livré une interprétation quasiment irréelle du 3e de Prokofiev, hyperarticulée, accentuée et découpée, d’une félinité racée. Trifonov, qui n'a jamais joué avec orchestre à Washington, a reçu un accueil aussi délirant que mérité. Tout portait à croire que l’OSM risquait de devenir pour le public de Washington « l’orchestre qui nous a amené Trifonov ». Mais la magie des musiciens inspirés par Kent Nagano dans le Sacre du printemps a été d’égaler ce niveau en seconde partie.
Je suis décidément un inconditionnel des concerts de notre orchestre en tournée, où le niveau de maîtrise des œuvres est de nature à passer, musicalement, à « autre chose ». Car de la maîtrise naît la liberté. Dans le Sacre, Nagano peut ainsi accélérer un peu la Danse sacrale, creuser ici et là des figures d’accompagnement et des ponctuations en pizzicato. Le chef en tournée surdirige un peu, s’exprimant avec beaucoup d’emphase gestuelle sur des choses que l’on entend à peine, mais c’est agréable à suivre, et il parvient à décortiquer la partition tout en préservant, expressivement, la hargne païenne de l’œuvre.
Écouter un concert, lundi, au Kennedy Center, c’était aussi mesurer le bonheur d’avoir la Maison symphonique à Montréal. Le son, à Washington, manque de respiration et d’aération. Cela favorisait l’impact sonore physique du Sacre du printemps et du piano de Trifonov, mais nuisait aux subtils frémissements de Jeux de Debussy. En 40 minutes de raccord acoustique dans cette « boîte à sons », l’OSM n’a pas trouvé la formule pour traduire la subtilité des pianisssimos debussystes. La suite à New York, avec le Concert à Carnegie Hall. Le maire Coderre ne sera pas là pour nous souffler le titre : il retourne à Montréal pour une réunion du conseil.
Christophe Huss est à Washington à l’invitation de l’Orchestre symphonique de Montréal