Hiromi Omura, la fiancée de Montréal

Montréal est resté fidèle à Hiromi Omura.
Photo: Yves Renaud Montréal est resté fidèle à Hiromi Omura.

Aucune chanteuse non québécoise n’a provoqué un tel engouement et une telle adhésion du public dans les vingt dernières années à Montréal. C’était en mai 2008, qu’à la salle Wilfrid-Pelletier et sur le parvis de la Place des Arts, où Madame Butterfly de Puccini était projeté sur écran géant, que les mélomanes montréalais ont développé un attachement pour la soprano Hiromi Omura, si bouleversante dans le rôle de l’épouse abandonnée du colonialiste Pinkerton. Le Devoir avait alors tracé le portrait de cette « Butterfly de Sartrouville », qui habitait la chaude banlieue parisienne, loin de son pays natal où sa grand-mère était un trésor national vivant dans l’art ancestral de la fabrication artisanale des kimonos. Elle a désormais quitté Sartrouville et a élu domicile avec son conjoint dans la campagne d’Auvergne.

L’opéra maudit

Montréal est resté fidèle à Hiromi Omura. Nous l’avons revue dans le rôle d’Amélia (Simon Boccanegra) et de Leonora du Trouvère de Verdi. Elle y a montré qu’elle possédait toujours autant de talent, mais aussi qu’elle avait désormais son public dans la métropole. Gageons que ces mélomanes reviendront pour Otello, qui prend l’affiche ce soir à l’Opéra de Montréal pour quatre représentations.

Hiromi Omura a abordé pour la première fois le rôle de Desdémone en 2010 à l’Opéra de Lorraine. La production moderne l’attifait d’une courte robe rouge, de talons hauts et d’une perruque blonde (si, si !). Elle a repris, depuis, le rôle à l’Opéra de Toulon et espère que la malédiction qui, pour l’instant, marque les productions d’Otello auxquelles elle participe appartiendra au passé.

Hiromi Omura garde ainsi un souvenir « bon et douloureux » de sa Desdémone blonde de Nancy : « Le ténor qui chantait Otello a eu une grippe juste avant la première. Le soir de la première il avait la voix presque cassée. Comme on avait beaucoup de scènes ensemble et qu’on s’embrassait, j’ai commencé à tomber malade moi aussi. Je me suis débrouillée jusqu’à la troisième représentation, mais à la quatrième j’avais perdu la voix et j’ai dû annuler la cinquième. À Toulon c’était un ténor géorgien exceptionnel. Mais son fils est décédé accidentellement avant la première et il ne pouvait plus continuer. »

Un parcours heureux

 

Si le rôle de Butterfly colle à la peau de Hiromi Omura, la soprano japonaise n’en développe pas moins son répertoire. Grâce à l’Opéra de Montréal elle a pu élargir sa panoplie de rôles verdiens. Elle a aussi chanté Norma dans deux productions , « une fois à Lausanne, une fois à Toulon », et sera la Comtesse des noces de Figaro au Japon, retrouvant un rôle qu’elle avait déjà abordé en 2006 au début de sa carrière.

« Je chante beaucoup à Tokyo cette année. Après Les noces de Figaro ce sera Ariane à Naxos de Strauss », dit celle qui aimerait développer le répertoire germanique. Son « nouveau défi » sera toutefois italien, avec Tosca en 2017 au Japon : « J’ai toujours pensé que c’était trop tôt pour moi, mais j’ai essayé et c’était très naturel pour ma voix ».

Hiromi Omura se produit principalement au Japon, en Australie et en France. L’Italie commence à s’intéresser à elle. Elle a aussi failli chanter à l’Opéra de Paris, mais elle était déjà engagée ailleurs et Hiromi Omura est une femme fidèle. Cette fidélité elle l’apprécie de la part de l’Opéra de Montréal et du public. « Cela me fait vraiment plaisir. C’est une grande joie de revenir à Montréal, je me sens un peu comme dans mon deuxième pays », dit celle qui en a déjà deux (le Japon et la France) et se dit satisfaite de son équilibre professionnel : « Continuer comme cela, chanter un peu partout, cela me convient bien ; je n’ai jamais pensé rentrer dans une troupe ». Hiromi Omura préfère approfondir ses rôles et, à la surprise de beaucoup, elle ne se considère comme satisfaite de son incarnation de Butterfly que depuis fort peu de temps !

Une nouvelle production

 

À Montréal, où elle est arrivée juste après la nouvelle année, la soprano japonaise participe dès ce soir à une nouvelle production d’Otello, montée conjointement par l’Opéra de Montréal et le Pacific Opera Victoria. Dans la fosse, l’Orchestre symphonique de Montréal sera dirigé par Keri-Lynn Wilson, dont la dernière présence remonte au Vaisseau fantôme de Wagner.

Dans cet opéra, qui n’a plus été présenté à Montréal depuis l’an 2000, et un rôle que Verdi a voulu l’incarnation « de la bonté, de la résignation et du sacrifice », Hiromi Omura aura à ses côtés, le ténor Kristian Benedikt en général maure Otello. Aris Argiris sera le méchant comploteur Iago et Antoine Bélanger (Cassio), Lauren Segal (Emilia), Pasquale D’Alessio (Roderigo), Josh Whelan (Montano), Valerian Ruminski (Lodovico) et Geoffroy Salvas (un Héraut) complèteront la distribution. La mise en scène a été confiée à Glynis Leyshon dans des décors et costumes de Peter Hartwell éclairés par Guy Simard.

Otello

Opéra en quatre actes (1887) de Verdi sur un livret de Arrigo Boito d’après «Othello, or The Moor of Venice» de William Shakespeare. Avec Kristian Benedikt, Hiromi Omura, Aris Argiris, l, Orchestre symphonique de Montréal, dir. Keri-Lynn Wilson. À la salle Wilfrid- Pelletier de la Place des Arts le 30 janvier et les 2, 4 et 6 février à 19 h 30.



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