Sous le signe de l’ouverture

Installés au Québec depuis plus d’un demi-siècle, les gens d’origine sépharade veulent ouvrir plus que jamais au métissage. À preuve : la direction artistique de la présente édition du Festival Séfarad de Montréal est assurée par Katia Makdissi-Warren, prolifique maîtresse d’oeuvre du vivre-ensemble musical et leader de l’ensemble OktoEcho.
Sur le thème de la convivencia (la coexistence), la proposition est étonnante : si la présence sépharade est bien marquée, la programmation s’ouvre aussi aux Marie-Jo Thério et Philippe Noireaut, à la Portugaise Katia Guerreiro, à la Marocaine Amina Alaoui et au chanteur de flamenco Marcos Marin. Rendez-vous à Montréal du 29 novembre au 12 décembre.
« Lorsque les Sépharades se sont fait expulser d’Espagne en 1492, ils se sont installés un peu partout autour de la Méditerranée, et même jusqu’en Géorgie. Partout où ils allaient, leur musique était imprégnée de la culture du pays d’accueil. Par exemple, leur musique andalouse ressemble beaucoup à la musique andalouse musulmane, mais avec ses particularités », explique Katia Makdissi-Warren. D’où le thème de la coexistence, de la cohabitation, du vivre-ensemble. Et il y a plus : « L’an dernier, le Portugal a donné la citoyenneté à tous les descendants des Sépharades qui avaient été expulsés en 1492 et cette année, l’Espagne en a fait autant. C’est quand même un événement important », poursuit la directrice artistique.
La Trilogie andalouse proposée par le festival va dans le même sens. Amina Alaoui, magnifique voix arabo-andalouse du Maroc, peut aussi chanter dans la langue sépharade ancienne d’Espagne. Elle partage la scène avec Marcos Marin, un cantaor de flamenco montréalais aguerri, et Katia Guerreiro, l’une des voix bouleversantes du fado actuel. De son côté, Philippe Noireaut revient cette année encore pour un hommage à la chanson française du XXe siècle : « La communauté sépharade aime beaucoup la chanson espagnole parce qu’elle y retrouve une partie de ses origines, mais elle aime aussi beaucoup la chanson française. » D’où la présence répétée de Noireaut, un vrai.
Présence montréalaise
Au coeur de la soirée L’Orient Klez’ se trouve Marie-Jo Thério, accompagnée par OktoEcho et Kleztory. Katia raconte : « On va faire une partie du répertoire de Marie-Jo et 2une partie de celui de Kleztory, mais tout le monde ensemble, et à la fin, on fera des chants sépharades. C’est l’idée du festival : aller chercher d’autres gens, mais rendre hommage à la culture sépharade. » Une autre façon de la célébrer ? Par la venue de Gerineldo, de retour chez lui à Montréal après 20 ans d’absence. Sous l’Inspiration de la réputée ethnomusicologue Judith Cohen, le groupe redonne vie aux chansons judéo-espagnoles du nord du Maroc avec ses ballades historiques, ses aventures galantes ou même ses histoires grivoises.
D’autres talents montréalais rayonneront au festival. D’abord Marie Trezanini, qui propose un spectacle inspiré des répertoires folklorique et sacré des Juifs yéménites, de l’amour humain et divin, de l’arabe et de l’hébreu, du masculin et du féminin. Elle participera à la soirée des rythmes au féminin avec Sylva Balassanian, Leila Gouchi, Raquel Sultan et Fairouz Oudjibda.
Quoi d’autre ? Des colloques ou panels autour de thématiques comme « Vivre ensemble en quiétude », une journée commémorative des réfugiés juifs des pays arabes et d’Iran, ou la place des femmes dans les traditions juives, chrétiennes et musulmanes au Québec. Il y a aussi les moments consacrés au sacré, alors que le cantor israélien Moshé Louk offre une soirée de chants liturgiques à la synagogue. Il partagera aussi la scène de l’Outremont avec Anouar Berrada, un récitant soufi marocain qui a vécu à Montréal. Un autre signe d’ouverture.
Amina Alaoui - Ode D’Ibn El arabi