Famalé, Montréal, le Brésil et l’Afrique

Ce groupe rassemble Zal Sissokho, le porte-étendard de la kora à Montréal, et deux Brésiliens : Marcus Viana, multi-instrumentiste et grand compositeur de bandes sonores pour la télé ou le cinéma, de même que Sérgio Pererê, chanteur et joueur de cordes. Ensemble, les trois complices ouvrent de Montréal à Belo Horizonte un univers qui remonte aux sources africaines et, de cette rencontre, un disque est récemment paru au Brésil. Voici donc Famalé pour la première fois au Nord, ce lundi au théâtre Fairmount.
Zal Sissokho est devenu un habitué du Brésil : « J’y suis allé pour la première fois en 2009 pour le festival La nuit du griot à Belo Horizonte. Là-bas, il y a un Sénégalais, Ibrahima Gaye, qui fait un beau travail à la Casa Africa. Depuis 2009, je suis retourné une douzaine de fois au Brésil. En 2011-2012, nous avons fait un spectacle et un disque avec 18 auteurs-compositeurs, dont Carlinhos Brown et Chico César. En 2013, j’étais à Rio pour l’indépendance du Sénégal. Un soir, je jouais avec Pererê. Il me dit : “Pourquoi ne pas enregistrer un album ?” Il appelle Sérgio et Famalé venait de naître ».
Allers-retours à la base
On échange les répertoires, des classiques du grand Mandingue jusqu’aux compositions des deux Brésiliens. Zal chante entre autres en wolof, Pererê se lance avec une voix grave qui pique aussi vers le ciel à la manière du Minas Gerais et de Milton Nascimento. Les allers-retours sont à la base de la création : une samba interprétée en mandingo, un xote nordestin joué par le violon qui remplace l’accordéon. Et les jeux entre les instruments sont passionnants : violon et kora ou kora et charango, deux instruments dont les timbres sont étonnamment proches l’un de l’autre. La kora accompagne de la poésie livrée en portugais, en français et en wolof par Ibrahima Gaye, celui par lequel la réalisation du disque fut rendue possible. « Ton nom a un sens, une signification secrète », dit-il dans La parole du griot.
« Famalé pourrait en quelque sorte être vous ou moi », renchérit Zal Sissokho. « C’est quelqu’un de très grand dans la vie. Les gens ont tendance à minimiser les plus faibles, mais chacun a quelque chose que l’autre n’a pas ». Cette approche n’est pas sans lien avec la philosophie du candomblé brésilien. Sérgio Pererê en est un adepte, en plus d’être l’une des figures de la musique afro-brésilienne dans le Minas Gerais, un état brésilien situé entre Rio et Bahia.
Six musiciens
Quelles différences ou ressemblances Zal a-t-il constatées entre les musiques brésiliennes et mandingues ? « Parfois, cela demande une adaptation. Par exemple, la pièce Yella est construite sur un rythme djambadon de la Casamance. Au début, mes collègues ne comprenaient pas où était le “1”, puis ils se sont adaptés. Par contre, dans l’afro-mandingue et l’afro-brésilien, il y a beaucoup de sources et de tempos qui sont pas mal les mêmes ».
À Montréal, ils seront six : les musiciens du trio en plus d’un percussionniste, d’un batteur et d’un bassiste. Par la suite, le disque de Famalé sera lancé ici, puis Zal retournera au Brésil en novembre pour une vingtaine de spectacles à donner dans le cadre du mois de l’histoire des Noirs et aussi pour enregistrer un disque avec Chico Cesar, le père de la fameuse Mama Africa : « Au Brésil, il y a une grande ouverture sur le rapport entre le Brésil et l’Afrique », dit Zal. « Depuis quelques années, il est obligatoire d’enseigner l’histoire de l’Afrique dans les universités. L’ouverture est là, surtout dans la fusion entre le Brésil et l’Afrique. Durant son passage au ministère de la Culture, Gilberto Gil a fait beaucoup dans ce sens. » En 2013, Toumani Diabaté a enregistré un disque avec Arnaldo Antunes et Edgard Scandurra. Famalé suit maintenant ce chemin passionnant.