La porte d’or de Constantinople

Cette semaine, l’ensemble montréalais Constantinople tourne en Suisse, en Allemagne et en Suède avec le concert Versailles to Topkapi, alors que depuis le dernier mois et demi, il a proposé Splendeurs persanes à Québec et Halifax, Jardins migrateurs au Mexique et Les voyages musicaux de Marco Polo à Paris. Voilà qui en dit long sur l’effervescence de Constantinople, qui s’arrête ce jeudi à la salle Bourgie pour offrir La porte d’or, sa toute nouvelle création qui se veut un hommage à Constantinople, ville d’ouverture et carrefour de plusieurs possibles.
Le projet est en quelque sorte la suite de La sublime porte que Constantinople avait proposé en 2009, mais sans l’intégration de la musique électro. Le directeur artistique Kiya Tabassian raconte : « J’ai concocté un programme qui représente davantage les courants de musiques classiques, sacrées et populaires de cette ville depuis la période de Byzance jusqu’au début du XXe siècle. Un programme qui reflète la diversité incroyable qui a vécu dans cette ville. J’ai choisi des oeuvres de compositeurs de diverses origines : des compositeurs juifs, musulmans et chrétiens orthodoxes qui vivaient dans cette ville. »
Une grande diversité
Des exemples de diversité ? Petros Peloponnisios, un compositeur d’origine grecque qui habitait à Constantinople. Tanburi Isak, juif d’origine et compositeur éminent de l’Empire ottoman du XVIIIe siècle. Tatyos Efendi, Arménien d’origine qui a vécu vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe : un compositeur très marquant de cette période ottomane. Il y avait aussi plusieurs sultans qui composaient de la musique ou qui écrivaient de la poésie. Parmi ceux-là, Sultan Korkut, dont plusieurs oeuvres lui ont survécu.
D’autres ne se sont pas contentés de composer : « Je pense à Ali Ufki et à Dimitrius Cantemir, qui ont laissé un héritage incroyable parce qu’ils ont aussi noté tout le répertoire de leur époque, dit Kiya Tabassian. Ali Ufki démontre également le caractère cosmopolite de la ville. Il était polonais avant de s’installer à Constantinople, se convertir à l’islam et changer de nom. Il était à la fois traducteur et musicien. Quant à Cantemir, il a laissé plusieurs livres sur l’histoire de l’Empire ottoman et il a noté près de 350 pièces de son époque. »
Avec La porte d’or, Kiya Tabassian offre une perspective de Constantinople à travers les âges et par l’entremise des créations de différents groupes sociaux ou spirituels : « En plus des musiques savantes qui étaient soutenues par la cour et les sultans, on a intégré quelques pièces populaires, non pas dans le sens commercial, mais dans le sens populaire de jadis. Il y a aussi les musiques sacrées dont on a retenu deux chants des Ilahi, de même que les chants byzantins de l’Église orthodoxe, avec leurs microtons et leurs maqams. »
La porte d’or évoque donc le nom de la ville mythique, le même que celui du groupe. Kiya résume le lien entre les deux : « C’est ce monde merveilleux que l’on désire tous. Cette harmonie entre différents peuples, croyances et visions, qui se mettent en dialogue positif pour créer quelque chose de nouveau ensemble. C’est un peu l’objectif et le mandat de Constantinople. »