Concours cherche chansons (et finit par en trouver)

Lundi soir au Lion d’Or. Je croise Sylvie Courtemanche, directrice des Francouvertes, qui sourit. « J’espère que tu vas aimer ça plus que l’an dernier… » L’an dernier ? J’ai presque oublié. Mon palmarès du concours a 19 ans dans le corps, s’y distinguent Bernard Adamus, Émilie Proulx, Soeurs Boulay, Hay Babies, Karkwa, tant d’autres depuis le fameux match Cowboys Fringants-Loco Locass, au tournant du siècle. L’an dernier ? Ah oui, Philippe Brach l’avait emporté, j’étais pas très preneur, il a fait son chemin depuis. Programmé en salle aux Francos de juin prochain.
Alors on recommence avec d’autres. Il y a eu les présélections, les soirées préliminaires, on en est aux demi-finales. Neuf propositions plus ou moins neuves. Ce lundi se succèdent Rosie Valland, The Urban Indians et Dylan Perron avec son Élixir de Gumbo, et tout est encore possible.
Rosie Valland aura un premier album à l’automne, elle est en gérance chez Ambiances Ambiguës : quoi qu’il arrive, elle ira quelque part. Même s’il arrive que pour démarrer une soirée, ces chansons plaintives qui varient moins dans la mélodie que dans le rauque de la plainte, un peu trop Salomé Leclerc dans le genre, plombent un peu l’ambiance. Originalité : les arrangements pour deux basses et batterie. Après elle, The Urban Indians se présentent sur scène comme dans leur local de répétition, se font plaisir entre eux : on pourrait ne pas être là. Les longues séquences instrumentales de leur néo-prog un peu funky rappellent les trames de films pornos des années 1970 : est-ce voulu ? La soirée s’anime enfin avec Dylan Perron et son Élixir de Gumbo : le deuxième album s’en vient, les ballades folks touchent autant que le bluegrass déménage. On est moins dans la découverte que la confirmation : ce groupe de bivouac engagé sait y faire. Cochez oui.
Le mardi fou
Mardi ? Rien à voir avec lundi. Au programme pas banal : un drôle de chanteur à prénom, Anatole (né Alexandre Martel, vu et entendu avec Mauves), et deux groupes à majuscules partout, YOKOFEU et PONI. Incroyable, inénarrable, funambule’n’roll Anatole : avec lui, on rigole. Du genre qui se la joue comme on ne se la joue plus : s’amène en collant noir à squelette imprimé, maquillage Dracula et visage blanc, pieds nus, genre Alice Cooper chez le mime Marceau. Musiciens en salopettes, synthés et batterie, petites chorégraphies assorties. Du grand guignol, du second degré, du spectacle ! Il en fait des tonnes, Anatole : la gestuelle rock starglitter, un peu de strip-tease, la salle prise d’assaut. Une bonne voix, le gars. Et les chansons ? Moins marquantes que le coup du canon-sexe éjaculant des confettis, disons.
Après lui ? La bande à YOKOFEU n’y va pas mollo, gaillards costumés itou (le chanteur a tout d’un Chinois dans Le lotus bleu, mais barbu roux frétillant) : la musique se veut à la fois vigoureuse et librement psychédélique, ça donne des morceaux qui ont des sursauts d’énergie et des indulgences : ça dure long longtemps, et c’est exprès (tel qu’annoncé dans le clip vidéo avant la performance). Mauvais signe : quand ça se termine, on est un peu soulagés. Et PONI ? Du néo-grunge à numéros, où l’on se penche beaucoup sur les instruments. À tout le moins au début. Limite de tolérance, départ avant la fin.
Un mercredi pour la chanson
Dernier soir : dernier espoir. Dylan Perron avait un propos et de l’allant, Anatole en a mis plein la vue, mais on attend encore des chansons qui iraient quelque part où on ne les attend pas. Bonne programmation d’artistes comparables, on les trouve ce mercredi. C-Antoine Gosselin (celui du groupe anglo Harvest Breed) a ce qu’il faut : du « folk instrospectif » (sa description) qui n’empêche pas les montées de couplet en refrain, et des résolutions, et même des ponts. Des constructions, quoi : un artisan à l’oeuvre. Et des arrangements qui portent sa douce voix. Guitares, trompette et trombone, ça va de l’intime à l’immense. J’en écouterais un plein album.
C’est moins vrai des suivants, Émile Bilodeau et puis Samuele. Bilodeau a le talent foisonnant, les 18 ans hyperactifs et les rimes verbomotrices, mais veut-on déjà d’un enfant de Bernard Adamus avec du Mononc’ Serge dans le nez ? Oui, quand même. Trop doué, ce Bilodeau, pour qu’on passe à côté. Mais attachez-le, quelqu’un : le gars charme autant qu’il énerve. Samuelle ? Folk-blues d’honnête qualité, sincère jusqu’à la transparence, mais vraiment trop convenu dans le genre pour que la chanteuse s’extirpe des bars. N’empêche que ça rassure, ce mercredi de chansons plutôt bien bâties.
Faut croire que public et jury ont été pareillement rassurés : on retrouvera Bilodeau et Gosselin à la finale du 11 mai au Club Soda. Au palmarès des demi-finales, ils sont troisième et deuxième, respectivement. Seul le très pro Dylan Perron les devance au cumul des votes. Le pari spectaculaire d’Anatole n’a pas payé : on se souviendra de lui, victoire en soi. Notez qu’on remet les pendules à zéro pour la finale et qu’un nouveau jury départagera les trois auteurs-compositeurs-interprètes. On se revoit là.