Farida Mohammad Ali: un grand art en exil

Farida Mohammad Ali, la grande dame du maqam irakien
Photo: Festival du monde arabe Farida Mohammad Ali, la grande dame du maqam irakien

Pendant que la Syrie et l’Irak traversent une période sanglante, les organisateurs du Festival du monde arabe mettent à l’honneur l’art savant de ces deux pays pour clôturer leur 15e édition avec Tapis volant, d’Alep à Bagdad, une création du FMA, qui fait planer un rêve de paix en regroupant Farida Mohammad Ali, la grande dame du maqam irakien, et Mohannad Mchallah qui remplace le Syrien Hamam Khairy, nouvellement exilé en France et retenu pour cause de visa refusé. Les deux artistes présents seront accompagnés par des musiciens d’OktoEcho et de l’ensemble d’Amir El Saffar samedi au théâtre Maisonneuve.

Rencontre téléphonique avec Farida Mohammad Ali et son mari Mohammad Gomar : « Nous sommes très heureux d’offrir à toute la planète notre message à propos de notre musique traditionnelle. Nous ne sommes pas des terroristes et nous n’aimons pas ce que nous voyons en Irak présentement », parvient à dire Farida dans un anglais qu’elle ne maîtrise pas complètement. À cause de cela, le reste de l’entretien se fait avec Mohammad Gomar : « Farida et moi voulons donner une bonne image de l’Irak. Nous sommes ambassadeurs et messagers. Dans notre pays, on ne s’occupe pas des artistes, tellement il y a d’autres problèmes à régler. La situation est difficile, alors que la majorité des bons musiciens et des bons récitants du maqam irakien vit à l’extérieur du pays. Et ce que les terroristes de Daech [le groupe État islamique] font au nom de l’islam ne représente pas la religion. »

Farida Mohammad Ali et Mohammad Gomar sont de valeureux résistants du maqam irakien, un art en exil qu’il ne faut pas confondre avec le maqam des autres pays arabes. Celui-ci n’est chanté que dans la tradition irakienne et selon l’UNESCO, le genre est très proche, autant par sa structure que par son instrumentation, des formes traditionnelles persane, azérie et ouzbek.

Mohammad Gomar précise : « Le maqam irakien vient de la musique soufie. C’est un style savant très difficile et le récitant doit tout savoir à propos de tous les maquamat [maqam au pluriel] qu’il doit chanter. Il y a des règles et chaque maqam comprend cinq états : l’introduction, l’interprétation des différentes mélodies qu’il renferme, le chant dans les basses, celui dans les notes plus hautes et enfin, l’exposition de tous les membres du groupe qui chante avec le récitant. » Dans cela, une large place est accordée à l’improvisation. Pendant que certains styles ont reçu les influences de l’Occident, le maqam irakien est demeuré très proche de la forme originale qui l’a fait naître vers la fin du XVIIIe siècle.

Tapis volant, d’Alep à Bagdad propose une rencontre croisée avec les qududs halabiyya de Syrie, des pièces offertes sous le signe du tarab, cette forme d’extase musicale qui comprend également beaucoup d’impro. À l’accompagnement, les polyvalents artistes d’OktoEcho sous la direction de Katia Makdissi-Warren et trois musiciens des États-Unis. Katia précise : « Amir El Saffar est un trompettiste qui a son groupe de jazz. Mais cette fois-ci, il vient avec un violoniste et un percussionniste qui ont déjà travaillé avec Farida et qui vont renforcer le caractère irakien de la musique. » Beau programme.

Tapis volant, d’Alep à Bagdad

Farida Mohammad Ali et Mohannad Mchallah avec OktoEcho et l’ensemble El Saffar. Au théâtre Maisonneuve, samedi 8 novembre à 20 h. www.festivalarabe.com