Les nouvelles couleurs de Julien Sagot

Un son vaut bien mille mots, pourrait-on dire après l’écoute du nouvel album de Julien Sagot, intitulé Valse 333. Plus de deux ans après avoir fait ses premiers pas en solo, l’ancien percussionniste de Karkwa livre douze nouvelles chansons denses, colorées et rythmées, sur lesquelles cet amateur d’arts visuels a tenté de fondre l’électronique dans l’organique.
Julien Sagot, qu’on a déjà entendu chanter avec son ancien groupe des pièces comme Au-dessus de la tête de Liljune et Pili-Pili et à qui on doit le texte des Chemins de verre, est un drôle de bougre. Il a ce regard un peu mystérieux, une voix grave énigmatique et un cerveau bouillonnant. Si son premier effort solo, Piano mal, montrait déjà de belles explorations sonores dans une chanson alternative en français, Sagot a fait beaucoup de chemin depuis.
« Mon premier [album solo], je l’ai quand même fait dans l’urgence. Mon band arrêtait, j’avais pas envie de me retrouver chez Tim Horton à vendre des cafés. Alors, j’avais besoin d’un projet plus rapide, dit Sagot en rigolant. Mais là, j’ai fait un travail de fond, et j’ai appris à me recentrer sur ce que j’aime vraiment. »
Brouiller les pistes
Valse 333 est un beau voyage sonore, dans lequel le multi-instrumentiste s’est amusé à brouiller les pistes entre les pistes électroniques et celles jouées par des musiciens. Travaillant entre autres dans plusieurs appartements, Julien Sagot a capté plein de sons, de pistes musicales. « J’ai cherché à faire des toiles de fond, j’ai passé des sons dans des amplis, j’ai crotté ça. On a gardé tout ça, puis on est allés au studio Pierre Marchand, et on a passé trois jours à ajouter du velours, du gros son sur quelque chose qui était plus… lo-fi. »
Dans quelques chansons, on peut entendre du steel drum, en général assez associé aux Caraïbes. Là, son collègue et coréalisateur Antoine Binette-Mercier a réussi à colorer l’instrument bien différemment. « Ça peut être très cliché comme son, dit Sagot, mais on l’utilise dans un contexte plus électro, et c’est là que ça devient intéressant. »
Même chose pour un paquet de détails sonores, de bruitages, comme ces « bips » sur Les squelettes. « C’est du xylophone passé dans un ampli, qui est juste “crushé” ! Tu peux me demander tous les sons du disque, je sais exactement ce que j’ai mis dessus ! C’est presque tout organique. »
Malgré toutes ces façons de faire qui peuvent sembler rébarbatives, les pièces de Valse 333 restent plutôt mélodiques, particulièrement Transsibérien, Maux de Mars et Ficelle. À l’instar de sa pochette montrant une toile d’Étienne Martin, Sagot compare sa musique à de la peinture.
« C’est collé, tout est en rapport. C’est juste que je ne travaille pas avec le même “médium”. C’est du montage, du collage, dit celui dont la femme oeuvre en art visuel. Tu regardes faire un artiste-peintre et tu vois qu’il travaille sur le fond, il remet une autre couche, et puis là il efface, et après il va mettre un arbre juste au centre… le côté organisation, le côté symétrique des choses, c’est aussi présent en musique. Il faut respecter ce côté organisé, les barèmes, quoi. »
Sagot transposera ses nouvelles couleurs sur scène en format trio, un choix audacieux étant donné la vaste palette sonore et rythmique du disque. Mais le défi ne fait pas peur au chanteur. Il s’estime aussi beaucoup mieux préparé que lors de sa première tournée. « J’étais un petit peu frêle ! Je manquais un petit peu d’expérience, je voulais saborder beaucoup de choses. J’ai fait la paix avec tout ça et j’apprends à déplacer le focus, à me faire du fun plutôt que de penser uniquement à la musique. J’étais trop “bibitte” dans ma tête et j’avais oublié qu’il y avait une importance au spectacle, au niveau de l’allure, de la présence. Ce sont des choses auxquelles je ne m’étais jamais arrêté. Là, regarde, j’ai même des bretelles ! » Parfait pour valser en toute sécurité.
Julien Sagot sera en concert au Coup de coeur francophone avec Bernhari le 7 novembre à 20 h au Lion d’Or.