La foire mondiale de la musique

Q’on soit collectionneur de longue date ou néophyte du vinyle, Record Store Day (RSD), la journée des disquaires indépendants, est à inscrire au calendrier de tous les mélomanes.
À Montréal, huit disquaires participent ce samedi à l’événement d’envergure internationale. Le Devoir en a rencontré quelques-uns, qui reconnaissent que cette foire annuelle ne fait que confirmer la force du mouvement vinyle.
Record Store Day a débuté aux États-Unis en 2008. Depuis, des disquaires de partout dans le monde célèbrent l’événement le troisième samedi d’avril.
Créée pour remettre en avant-scène les magasins de musique indépendants malmenés par le téléchargement illégal (et légal), cette journée s’est muée en célébration de tous les styles musicaux.
Dans son arrière-boutique, Aux 33 Tours, Pierre Markotanyos s’affaire à nettoyer des disques (33 tours !). Pour ce magasin, RSD est un événement majeur. « On reçoit des produits exclusifs, pas même disponibles sur le Web, explique-t-il. Dans les grandes chaînes du disque, ils ne les auront pas. »
Le propriétaire apprécie l’ambiance qui s’installe dans son magasin ce jour-là. « C’est une grande célébration !, dit-il. L’an dernier, à 8 h du matin, 200 personnes faisaient la queue devant la boutique ! On présente plusieurs performances musicales, on fait tirer des prix et on a bien sûr les éditions spéciales pour l’occasion. »
Car c’est bien autour de ça que tourne cette journée : la vente de vinyles — quelques CD sont offerts, mais il s’agit principalement de microsillons. De nombreux artistes profitent de la RSD pour faire paraître des éditions spéciales, disponibles uniquement chez les disquaires indépendants participants. Des centaines d’albums en édition spéciale ou en réédition seront mis en vente, mais impossible de savoir avant le jour J quel disquaire aura en stock l’objet convoité. De Charles Aznavour à The Doors, d’Of Montreal à Katy Perry, tous les genres sont représentés.
Derrière le comptoir de son magasin bigarré aux murs couverts d’affiches, Shawn Ellingham boit son café en appréciant le solo de guitare qui joue en fond sonore. Le copropriétaire du Soundcentral, se rappelle du temps où très peu de gens achetaient la musique en magasin. « Disons qu’entre 2003 et 2008, c’était une période morte pour les disquaires… » Aujourd’hui, les ventes lors du RSD dépassent les chiffres des Fêtes ou de l’après-Noël.
Pour M. Ellingham, cette grande popularité est pourtant à deux tranchants. « Pour nous, chaque jour est journée des disquaires indépendants ! Au Record Store Day, la moitié des disques ne sont même pas réellement trouvables parce qu’ils sont produits en petite quantité, explique-t-il. La rareté crée une demande à laquelle on ne peut pas répondre la plupart du temps. L’industrie profite énormément de ça. »
Shawn a décidé de participer cette fois, mais ce sera comme un test. « On va voir comment ça se passe cette année, dit-il. On va tout de même passer un bon moment, des groupes vont venir jouer et on espère que les gens feront de belles découvertes ! »
Au Sonorama, Malcolm Renple aime bien la journée, mais l’ambiance n’est pas autant à la fête qu’ailleurs. « On reçoit les éditions spéciales et on a des clients fidèles qui passent des commandes, mais c’est comme ça tous les jours, en fait ! », lance le jeune homme. Pour lui, le RSD est tout de même important, pour en avoir sensibilisé plusieurs à leur consommation de musique.
« La clientèle ce jour-là, ce sont les collectionneurs purs et durs et une masse grandissante de jeunes, dit-il. Des adolescents même ! On voit que les gens ont de plus en plus besoin de musique sous un format physique. Un fichier mp3, c’est de l’air. Un vinyle, c’est pour la vie ! »