L’âme à la tendresse

Clémence DesRochers et Marie-Michèle Desrosiers promettent non pas un spectacle « de matantes », mais bien « un show de mottons », puisque émotions et tendresse seront au rendez-vous.
Photo: Pedro Ruiz - Le Devoir Clémence DesRochers et Marie-Michèle Desrosiers promettent non pas un spectacle « de matantes », mais bien « un show de mottons », puisque émotions et tendresse seront au rendez-vous.

Elle a fait une tournée d’adieu il y a quelques années. Elle a annoncé sa retraite une, deux fois. Or l’ennui avec la retraite, eh bien, c’est justement cela : l’ennui. Elle nous revient donc, Clémence DesRochers, sémillante octogénaire, femme de rires, femme de coeur. On la retrouve chez la chanteuse Marie-Michèle Desrosiers, qui l’accompagnera sur scène du printemps à l’automne. Au menu de ce spectacle à deux composé à partir du vaste répertoire de Clémence : des chansons et des monologues. Et de la tendresse.

 

« Il y avait très longtemps que je désirais collaborer avec Marie-Michèle, déclare d’emblée Clémence DesRochers, sa présence solaire éclipsant la grisaille d’un après-midi pluvieux. Je suis heureuse que ça se produise enfin. Comme je le disais, c’est un show qui va être très tendre. Au fond, c’est la formule que j’ai toujours privilégiée : un moment drôle, un moment tendre. Par exemple, je vais reprendre la chanson sur ma mère À chaque fois maman que ma pensée t’aborde, sur une très belle mélodie, très touchante, d’Ariane Moffatt. Steve Normandin, qui s’occupe des arrangements pour le spectacle, va la jouer à l’accordéon. Quand on l’a entendue pour la première fois Marie-Michèle et moi, on a eu le motton. Tiens, ce ne sera pas un show de matantes : ça va être un show de mottons, décrète Clémence DesRochers, l’humeur résolument rieuse. Mais sérieusement, c’est très beau, très doux. Les gens peuvent aussi s’attendre à ça : de la douceur. »

 

Marie-Michèle Desrosiers aussi saluera sa mère avec une chanson de Clémence. Les deux femmes dédieront également des pièces à leurs pères respectifs. « Le mien aurait voulu être musicien, se souvient à cet égard la première. Mais à l’époque, ma grand-mère lui avait dit : “Voyons, mon grand, tu ne pourras pas faire vivre une famille comme ça !” Fin du rêve. » Il a dû être fier de ce que sa fille réalisât plus tard le sien, qui se poursuit. « Oui, acquiesce Marie-Michèle Desrosiers. Il assistait aux spectacles de Beau Dommage et il était bien fier de moi. »

 

« Le mien ne l’a jamais été, ou enfin il ne le montrait pas, se rappelle de son côté Clémence DesRochers. Il était poète, il écrivait magnifiquement. Ses textes étaient écrits pour être lus. Les miens… c’était du divertissement. » Une telle modestie, manifestement sincère, étonne après presque 60 ans d’une carrière célébrée. « Un soir pendant un spectacle, une spectatrice assise derrière mon père a lancé en riant : “Mon Dieu qu’elle est folle !” Mon père s’est retourné et lui a dit : “Oui, madame, elle est folle. Je l’sais, c’est ma fille !” C’était sa manière d’exprimer de la fierté, j’imagine », concède-t-elle en souriant à cette réminiscence impromptue.

 

Avec le temps…

 

Il n’en faut pas plus pour ramener Clémence DesRochers à Sherbrooke, rue Pacifique, alors que, petite fille, elle pleure en essayant de résoudre ses équations mathématiques, mais excelle en composition. Cette même petite fille qui, devenue toute jeune femme, en arrache avec la langue pointue du Conservatoire, mais fait rire ses consoeurs pendant la recréation en imitant les religieuses. À défaut d’être actrice, elle devient humoriste, poète et chanteuse. Car si elle se moque volontiers de son filet de voix, il n’en demeure pas moins qu’elle adore chanter et n’entend pas se priver. La vie est trop courte.

 

« À 80 ans, j’en ai plus derrière que devant moi. C’est inéluctable. Je me bats quand même. Je me bats contre le temps qui passe. Je fais énormément de sport — ski de fond, natation. Je ne veux pas être une petite vieille. Ça ne m’intéresse pas ! » Dans ce contexte, l’humour devient un baume.

 

Reste que la scène, la tournée, c’est épuisant. Pourquoi revenir, chaque fois ? Pourquoi revenir maintenant ? « Je commençais à devenir folle, avoue-t-elle mi-figue, mi-raisin. Je n’ai jamais su remplacer cette grande aventure humaine que constitue la scène, le contact avec le public, l’amour du public. De se faire dire par une salle qu’on est aimé ; tenir cette salle dans le creux de sa main… On fait rire les gens, puis on les fait brailler. Et devant soi, on a des visages épanouis, des visages reconnaissants. J’ai besoin de savoir qu’ils m’aiment et de leur faire savoir que je les aime aussi. »

 

Non, cela ne se remplace probablement pas. Et pour peu que cela garde Clémence en tournée, on ne s’en plaindra pas.

Je n’ai jamais su remplacer cette grande aventure humaine que constitue la scène, le contact avec le public, l’amour du public. De se faire dire par une salle qu’on est aimé ; tenir cette salle dans le creux de sa main…

La tournée débute le 20 avril. Détails à clemencedesrochers.ca

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