La comédie, plus que le drame
Un peu plus d’un mois après le remarquable Songe d’une nuit d’été de Britten à Opéra McGill nous étions très curieux de faire la revue des effectifs vocaux de l’Université de Montréal. Nous n’avons, hélas, pas salivé très longtemps : le millésime 2014 à l’UdeM est bien pauvre.
Du coup on retient du diptyque puccinien présenté jeudi — et repris ce vendredi avec la distribution « b » (qui peut difficilement être pire) et samedi avec les mêmes — l’apport des professionnels. Le dispositif scénique et les costumes de Carl Pelletier optimisent ce que la petite scène peut permettre.
Au niveau des éclairages, Serge Pelletier réussit un quasi sans faute : le rétro-éclairage du vitrail de la Vierge à l’enfant dans la dernière scène de Suor Angelica provoque un effet saisissant. La seule erreur se loge dans Gianni Schicchi, où le lit dans la scène du testament dicté au notaire devrait être dans une sorte de semi-pénombre, afin que l’homme de loi et les témoins ne puissent pas déceler que le roué Schicchi s’est substitué au défunt Buoso Donati, dont il change les dernières volontés à son profit, au détriment d’une famille de grippe-sous caricaturaux.
Le dernier « grand pro » de la bande est Jean-François Rivest, qui profite des faiblesses du plateau pour s’offrir un gigantesque bain symphonique puccinien avec force décibels. L’orchestre met un petit temps de latence avant d’avoir toute la nécessaire réactivité dans la comédie Gianni Schicchi, mais dans le drame Suor Angelica, Rivest a fait sonner tout ce qu’il pouvait.
Venons-en donc au bât qui blesse. Il tombe sous le sens, qu’aux Jeux olympiques, un bob est requis pour faire une compétition de bobsleigh, tout comme il faut un ballon pour jouer au soccer. Ce que nous avons hélas appris, hier, surtout dans Suor Angelica, c’est que l’on peut se lancer dans des études de chant sans avoir de voix. Je ne parle même pas de technique, mais du matériau de base : timbre, souffle, volume. La très large majorité des jeunes filles présentes sur scène en étaient tout simplement dépourvues. Dans Gianni Schicchi, une basse (Jordan Delage, en Betto) et un baryton (Charles Brocchiero en notaire) rejoignaient cette cohorte de personnes dont on se demande pourquoi elles perdent leur temps dans cette voie.
Le droit à l’erreur n’est pas du tout remis en cause. Jean-Philippe Fortier-Lazure dans le rôle de Rinuccio, le jeune amoureux dans Gianni Schicchi, a spectaculairement craqué deux notes, mais ce n’est pas grave dans ce contexte : la voix est très belle et on pourra entendre reparler de ce ténor comme de la basse Simon Chalifoux dans le rôle du patriarche Simone : la ligne est un peu fruste, mais le matériau est là. Les sopranos Catherine St-Arnaud et Anna-Paula Cunningham sont à réentendre aussi.
Dans Suor Angelica, une et une seule voix est digne de mention : Geneviève Coletta dans le rôle titre. Si elle fait carrière ce ne sera pas dans Puccini, car le galbe vocal manque de moelleux et de charme, mais elle a le volume et l’engagement. De même, le solide Julien Horbatuk a bien incarné Gianni Schicchi, mais les barytons de McGill m’ont plus impressionné.