Émotions maison - Patrick Watson lance son quatrième disque

Si Patrick Watson a toujours e?te? doue? pour cre?er des ambiances ae?riennes, e?the?re?es, il ajoute avec Adventures in Your Own Backyardun volet plus poussie?reux, plus pre?s du sol, du de?sert, a? la Ennio Morricone.
Photo: Pedro Ruiz - Le Devoir Si Patrick Watson a toujours e?te? doue? pour cre?er des ambiances ae?riennes, e?the?re?es, il ajoute avec Adventures in Your Own Backyardun volet plus poussie?reux, plus pre?s du sol, du de?sert, a? la Ennio Morricone.

Le plancher craque un peu dans l'appartement où nous reçoit Patrick Watson. Nous entrons dans une grande pièce, un loft en fait. Son loft-studio, pour être précis. Il y a à droite un gros sofa un peu déglingué, un mur d'amplificateurs et un paquet d'instruments éparpillés autour du piano. Près de la porte de la galerie arrière, le percussionniste Robbie Kuster et le bassiste Mishka Stein prennent quelques bouffées d'air frais et plissent les yeux sous la lumière qui baigne la pièce en nous saluant, la main levée.

Pour les membres du groupe, ici, c'est leur maison. Leur own backyard, pour repiquer le titre de leur album à paraître mardi, Adventures in Your Own Backyard. Depuis la parution en 2006 de Close to Paradise — le disque qui a vraiment mis Patrick Watson sur la carte —, le quatuor complété par le guitariste Simon Angell a parcouru le monde comme un projectile dans une machine à boules. Alors, ce coup-ci, les quatre musiciens ont choisi de travailler à la maison, pour faire changement.

C'est donc dans le grand loft où nous nous trouvons que ces aventures éclatées ont été captées, sans la pression qui vient avec la location d'un studio, sans les soucis d'argent, de déplacements et de dépaysement. Dans leurs pantoufles, auprès de leurs amis et de leurs familles. «On avait des semaines pour y penser, travailler et arranger les pièces en même temps qu'on enregistrait, raconte Robbie Kuster, de loin le plus habile du groupe en français. L'ingénieur Rob Heany venait placer les micros, mettre au point les préamps et les compresseurs, et après on avait le champ libre.»

Exotisme ou confort?

Les pantoufles ont leur avantage, mais forcent à composer sans l'exotisme d'un endroit étranger, précise Patrick Watson, vêtu d'un vieux t-shirt, son éternel couvre-chef sur la tête. «Pour écrire des textes, c'est plus facile dans les cas plus extrêmes, comme en Islande, c'est inspirant. Mais t'as moins le temps de saisir d'où vient ton inspiration, de solidifier tes idées. À Montréal, c'était plus dur d'avoir cette inspiration exotique, mais on avait le temps d'élaborer, de finir les idées à 100 %. Au fond, on a tellement bougé que c'était presque mon voyage à moi d'être ici pendant un an!»

De l'avis du groupe, être à domicile a favorisé l'émotion des pièces. Parce qu'il y a des jours où on n'est pas en verve pour se plonger dans l'ambiance d'une chanson. Parce qu'on ne veut pas trop forcer les choses. Et parce que parfois la magie est au rendez-vous. «Pour Noisy Sunday, c'est le meilleur moment d'enregistrement jamais vécu, raconte Watson en balayant par politesse la fumée de sa cigarette de la main. Seulement parce que c'était un jour où on ne devait pas enregistrer. Moi et Mishka, on s'est mis à jouer, et oh, comme c'était agréable de la jouer. On a essayé de l'enregistrer, no pressure, juste pour le plaisir. Et là on a fait une vraie prise. Pas comme une prise de studio, pas comme une prise forcée. C'était cette chanson-là, ce jour-là, et comme on était tout installés, on a pu vivre la vraie émotion. C'est un exemple de la force de cet espace.»

Dans les nuages... et la poussière

Adventures in Your Own Backyard est un album profond, plein d'émotion, mais aux apparences moins exploratoires que son prédécesseur, Wooden Arms, où par exemple Robbie Kuster jouait sur toutes sortes de pots en guise de percussions. «Là, on voulait juste faire quelque chose de beau», dit-il.

Patrick Watson opine du bonnet. «Je crois que notre musique est plutôt ambitieuse; ce n'est pas facile de trouver une façon gracieuse de la faire, une façon transparente, disons. Là où je trouve qu'on a grandi, c'est qu'on conserve la complexité, mais sans qu'elle soit apparente. On cherchait l'émotion, la grâce très naturelle.» Le pianiste et chanteur évoque les Beatles, qui ont mélangé beaucoup de styles sans que le public s'en rende vraiment compte.

Parlant de mélanges, si Patrick Watson a toujours été doué pour créer des ambiances aériennes, éthérées, il ajoute ici un volet plus poussiéreux, plus près du sol, du désert, à la Ennio Morricone. En plus des cordes habituelles, il y a des cuivres qui vibrent en évoquant les mariachis, des guitares pleines d'échos qui évoquent les westerns spaghettis. De l'espace horizontal autant que vertical. L'appel de la cavalerie en plus de l'envolée vers les cumulonimbus.

«On a eu ce trip en voiture au Grand Canyon, tous ensemble, c'était un moment spécial, raconte Watson. C'est le seul endroit au monde où tu n'es pas déçu. À l'inverse de la statue de la Liberté, qui a l'air d'une naine! Tu arrives au Grand Canyon et tu te dis: holly shit. Cette petite promenade en voiture a certainement influencé l'album.»

Pour la formation, l'aspect «Morricone» donne à Adventures in Your Own Backyard une touche presque humoristique, à tout le moins un côté intrépide, qui fait rêver. «Il faut intégrer cet esprit-là à nos vies quotidiennes, s'emporte Patrick Watson en se redressant sur le sofa. L'imagination est un muscle qu'on devrait entraîner toute notre vie. Adventures in Your Own Backyard, ce n'est un retour aux souvenirs d'enfance, c'est le fait de laisser notre imagination faire partie de notre vie adulte. Comme on ne l'utilise pas assez, quand on en a besoin, on sent le besoin de retourner en enfance, à Peter Pan. Je crois pourtant que c'est un outil fondamental comme être humain, cette curiosité, cette créativité.»

Le monde

Après presque deux ans passés à Montréal, le quatuor refait ses bagages pour plusieurs semaines, pour un périple qui mènera Watson, Stein, Kuster et Angell en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et dans plusieurs villes américaines. «Mine de rien on a vieilli, et on a quelques années de voyage derrière nous, dit le percussionniste Kuster. Ce n'est plus la surprise, on sait ce que c'est. On connaît les salles de plus en plus, il y a plus de réalité que de "wow". Mais même l'éclairagiste, le gars de sono, on a tous hâte de repartir. On est une famille.»

La différence, c'est que le groupe fait maintenant affaire à l'extérieur du pays avec l'étiquette de disques Domino, qui s'occupe de gros noms indie, dont Animal Collective, Arctic Monkeys, The Kills et Hot Chip. «Pour la première fois, on a une structure. Je suis très optimiste sur le rapport entre l'énergie qu'on va y mettre et l'impact qu'on aura sur les gens, dit Patrick Watson. C'est différent à chaque endroit, mais c'est clair qu'on va vivre un paquet d'aventures, comme toujours.» Et pas seulement dans leur propre backyard.

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