Diane Tell à Montréal en lumière - Née Fortin, une deuxième fois
La dernière fois, aux Francos en juin 2010, c'était les retrouvailles. Faire à nouveau connaissance, littéralement. Diane Tell y donnait, pour l'essentiel, son album de standards de jazz tels que rimés par Boris Vian (Docteur Boris et Mister Vian, paru l'année d'avant): son répertoire à elle y avait la part congrue, comme si la chanteuse en était encore là-bas, comme si elle nous chantait en direct de son Biarritz d'adoption. On était bien content de la retrouver quand même. Et réciproquement, cela se sentait.
Hier soir à L'Astral, c'était pour la resplendissante Diane l'étape suivante: une sorte de deuxième naissance locale. Née Fortin, une deuxième fois. Avec l'accent de la fille de Val-d'Or retrouvé. L'auteure-compositrice québécoise pionnière des années 70 avait franchi, plus que l'océan, une sorte de Rubicon: la distance qui l'éloignait d'elle-même et de nous.Entourée d'une nouvelle équipe de musiciens d'ici, dont l'inestimable Benoît Sarrazin au piano et tout un tas de guitaristes d'allégeance folk-rock éminemment nord-américaine, elle semblait vouloir embrasser tout le continent. Il en était magnifié, ce nouvel album — Rideaux ouverts —qu'elle proposait intégralement en deuxième partie, gagnant en vigueur et en saveur, trouvant sa vérité dans l'instrumentation tout en pickings et strummings heureux. Il y avait des Byrds et du Tom Petty et du T-Bone Burnett dans ce jingle jangle d'électriques et d'acoustiques.
Bien plus que les versions du disque, on avait envie de décerner un certificat d'authenticité à ces moutures mieux nourries des J'te laisse un mot, Attends, Sur ta plage, chansons nées de la rencontre aux fêtes du 75e de Val-d'Or avec un autre Fortin de sa région d'origine, ce Serge frère d'esprit. Bien plus que dans le souvenir qu'on en avait, les belles d'hier et d'avant-hier avaient de la dimension, des racines. Quelle bonne idée c'était de les aligner en première partie, ces chansons si familières, Savoir, Gilberto, Faire à nouveau connaissance, Si j'étais un homme, que la cuisson sur bois de guitare révélait à l'oreille enfin décrassée des milliers de diffusions à la radio FM: c'était comme si j'entendais pour la première fois La Légende de Jimmy, libérée de sa gangue synthétique.
C'était bon de voir Diane Tell ravie comme une petite fille, tellement contente de chanter pour L'Astral plein, en jouissive complicité avec les siens, éternelle gamine sous le béret. Puisse-t-elle, ai-je pensé en chemin vers Le Devoir, ne plus jamais nous quitter longtemps et enregistrer d'autres albums plus nord-américains encore. Nous la voulons ainsi, nôtre et fière de l'être.