Concerts classiques - Rusalka peine à nous captiver

Avec Rusalka de Dvorak, l'Opéra de Montréal (OdM) prend un certain risque. Tous les exemples de programmation hardie à Montréal, ces dernières années, se sont soldés par de relatifs échecs du point de vue du nombre de spectateurs, le bouche à oreille n'y faisant souvent rien.

Parmi les raisons d'aller voir Rusalka, il y a la découverte d'un ouvrage qui fait son entrée au répertoire de l'institution et l'intérêt de principe que suscite le recours à la vidéo dans une mise en scène d'opéra. En la matière, l'OdM n'a pas fait les choses à moitié: le lourd dispositif de panneaux à diodes électroluminescentes (DEL) qui cadre le décor a bien fonctionné, malgré la frayeur engendrée au début par une panne de deux secondes.

Comme l'avait annoncé au Devoir le metteur en scène Bill Murray, le rendement intrinsèque des DEL permet de sculpter de vrais éclairages à l'avant-scène, puisque les diodes sont peu sensibles aux reflets. Boston et Minneapolis, villes qui se sont alliées pour produire ce spectacle, utilisaient la rétroprojection, avec bien moins de latitude. Avantage collatéral: les panneaux délimitent un cadre scénique de plus petite taille, au sein duquel les artistes viennent naturellement chanter à l'avant-plan.

Sous plusieurs aspects, la première de samedi avait encore l'allure d'une répétition d'acclimatation de la Salle Wilfrid-Pelletier. Ainsi, le chef, John Keenan, ne semblait pas avoir vraiment conscience de ce qui passe — ou ne passe pas — dans la salle. Son Ier acte était sous abat-jour, alors que, sur le plan dynamique, le IIIe acte trouvait ses marques. Le ténor Khachatur Badalyan, malgré son fort potentiel, a, lui, pédalé dans le dernier acte. Soit il était vraiment à bout de voix, soit il tentait inutilement des nuances détimbrées.

Au sein de la distribution, Ewa Biegas en princesse étrangère, écrase tout le monde. Elle a une vraie voix pour Wilfrid-Pelletier. Kelly Kaduce en Rusalka s'en sort grâce à sa maîtrise du rôle. Mais certaines intonations sont légèrement basses. Pomakov a beaucoup d'aplomb, à défaut de finesse, alors que Liliana Nikiteanu est insuffisante en sorcière. Cette distinguée mozartienne est une excellente chanteuse et une bonne actrice, mais, ici, seule une Ameris (Aïda) ou une Azucena (Le Trouvère) peut passer la rampe.

Quant au spectacle lui-même, mention «bon, sans plus». Je passe sur les idées étranges, telle, au IIIe acte, cette «danse du couteau» de la sorcière, alors que Rusalka est censée avoir jeté l'arme dans les eaux juste avant. Je préfère mentionner l'astucieux plancher de scène avec sa faille simulant le milieu aquatique. Le problème est que, fondamentalement, les projections, censées clarifier la situation, embrouillent l'esprit. Certes, Dvorak n'a pas facilité le travail du metteur en scène, mais, aux IIe et IIIe actes, le spectateur se demande souvent où l'action est censée se situer. Quant aux images proprement dites, on retient surtout la définition splendide de certaines d'entre elles (sous-bois, lune, fougère), car on est loin de «l'art visuel»...

Reste à discuter de Rusalka, l'opéra. À l'expérience, on est assez loin de ce qui pourrait être un Eugène Onéguine tchèque, car ce qui se passe sur scène n'émeut pas. Les multiples et récurrentes séances collectives d'expression corporelle ne rendent pas la chose plus emballante. Ceux qui s'ennuient vraiment pourront se distraire en comparant les surtitres français et anglais. L'activité est une source inépuisable d'étonnement et de distraction.

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