Vitrine du disque du 16 septembre

Classique: Beethoven - Symphonies no 6 et 8. Grande Fugue. Orchestre symphonique de Montréal, Kent Nagano. OSMCD 7437: Comme pour la 3e Symphonie, ce CD Beethoven, publié ici sur étiquette OSM, sera vendu ailleurs par Sony. Mais les mélomanes seront-ils tentés acheter 2 CD pour avoir les 6e et 8e Symphonies de Beethoven, juste parce qu'on trouve aussi au programme la Grande Fugue et les paroles de David Suzuki? Cela dit, Kent Nagano a transformé en cinq ans l'OSM en orchestre fort crédible dans Beethoven. On remarque aussi une grande unité esthétique entre les parutions: clarté de la polyphonie (transparence), absence de brutalité dans les phrasés et d'excès dans les contrastes dynamiques. Jamais théâtraux, Nagano et l'OSM imposent un Beethoven presque serein, idéalement symbolisé par la Scène au ruisseau de la Pastorale, qui semble couler de source. Comme l'a relevé le critique du New York Times, c'est l'une des approches de Beethoven les plus intelligentes (et intelligibles!) des dernières années.

Christophe Huss

Beethoven, Scene au ruisseau - OSM, Nagano.


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Rock

History of Pain

The World Provider

Indépendant

Pour ce que la formation The World Provider dit être son quatrième disque — on s'y perd dans l'enchevêtrement de cassettes, de EP et d'albums —, les Anglo-Montréalais proposent un petit virage sonore. Alors que les claviers un peu kitsch prenaient jadis beaucoup de place, le chanteur Malcolm Fraser et sa bande laissent sur History of Pain une place accrue à la guitare. Ce semble être la proposition de leur réalisateur, Murray Lightburn, leader des Dears, qui a apposé clairement sa touche sur l'album. Si le virage change bien la couleur de The World Provider, ce n'est pas toujours réussi. Leur rock-garage cuit à l'étouffée ne fait pas le poids aux côtés de celui des Dears de Lightburn. À ça, les claviers restants semblent parfois superflus. Il règne toutefois un esprit bon enfant sur ce disque, même que le groupe tente une pièce en français, Douce mélodie. Reste à ajuster les voix. Spectacle de lancement ce soir à la Casa del Popolo.

Philippe Papineau


The World Provider - History of Pain


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Folk-trad


Hébertisme nocturne

Les Poules à Colin

Indépendant / lespoulesacolin.com

Avec Alexis Chartrand, Timi Turmel, Alexandre B. Caron et plusieurs autres jeunes, ils font la preuve que l'avenir du trad s'annonce pour le moins prometteur.

Issus de familles de musiciens, les quatre filles et leur Colin, dont la majorité n'a pas 20 ans, ont le sens de l'arrangement et des progressions harmoniques. Aux quelques titres traditionnels de leur répertoire, dont une seule chanson à répondre, ils ajoutent le folk à l'américaine et cette façon de faire les choses à leur manière. Si certaines pièces sont chantées avec des inflexions qui rappellent Coeur de Pirate, la majorité sont instrumentales et de facture originale. C'est à la fois le folk aéré et l'énergie assumée, la valse champêtre et le chant breton, la basse intense et les coups de violons dramatiques, les courtes impros sur le reel et les pieds qui prennent leur place. Les Poules à Colin ont déjà une signature convaincante.

Yves Bernard


Les Poules à Colin: Les trois capitaines


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Americana

A Treasure

Neil Young & The International Harvesters

Reprise - Warner

Entre le déménagement, les festivals et les vacances, ça m'avait échappé. Disque d'archives, il faut dire. Celui-ci provient d'une drôle d'époque: en 1984-1985, Young était en guerre avec son label d'alors, Geffen, lequel reprochait au chanteur d'écouler le contrat en enregistrant des disques pas assez Neil Young: galette électro, virée rockabilly, country trop rural. Trop rural? L'intraitable Neil rassembla les meilleurs country pickers, l'ami Ben Keith, l'as violoneux Rufus Thibodeaux, et promena un show furieusement rural dans les foires, rodéos et bleds perdus. C'est ce qu'on entend ici: des inédites (magnifique Amber Jean), des reprises countrifiées (Flying on the Ground Is Wrong, remontant au Buffalo Springfield), du réactionnaire (Motor City, où Neil juge qu'il y a trop d'autos japonaises aux États...), et du bluegrass de derrière les fagots (Get Back to the Country). Il va sans dire que cette tournée ne s'arrêta pas chez nous. Dommage.

Sylvain Cormier


Neil Young & The International Harvesters - Amber Jean


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Classique

Haendel

Streams of Pleasure. Airs et duos. Karina Gauvin et Marie

Nicole Lemieux, Il Complesso barocco, Alan Curtis. Naïve V 5261 (Naxos).

Deux chanteuses québécoises dans l'une des nouveautés phares de la rentrée discographique d'une étiquette à résonance internationale. Sauf erreur, il faut remonter aux sessions parisiennes de Simoneau et Alarie en 1953 sous la direction de Pierre Dervaux pour voir tel honneur et pareille exposition. Le tandem Gauvin-Lemieux, c'est gagnant-gagnant: les deux collègues s'apprécient, leurs voix se marient parfaitement, leur niveau vocal est identique et elles arrivent à transcender tout cela en une émulation synergique. Sur les quinze plages, Lemieux se voit confier quatre solos, contre cinq à Gauvin. Le fait de n'avoir «que» six duos est un peu frustrant, mais pas rédhibitoire. Le chant est suprême et l'accompagnement assuré par un spécialiste du compositeur. On regrette juste un excès de proximité et de brillance des micros.

C. H.


Streams of pleasure. Airs et duos. Karina Gauvin et Marie Nicole Lemieux -  Il Complesso barocco, Alan Curtis.


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Folk gypsy

L'Éternelle recherche de l'éternel

Les Sofilanthropes

Indépendant

C'était dans l'hebdo culturel Voir, il y a quelques jours. Une grosse pub couleur, pleine page, du groupe Les Sofilanthropes. Intrigante et extravagante dépense pour une formation indépendante encore méconnue, donc théoriquement... pauvre! Trio montréalais composé de Sophie Périard, Guim Moro et Chad Carrière, Les Sofilanthropes disent faire du «francofestif gypsy éclectik», et on n'aurait pas dit mieux. En fait, c'en est presque caricatural, avec cette guitare pompée sans grande innovation, cette trame «pro-prolétaire», cette ambiance foraine. Quatre ans après la fin de Polémil Bazar, par exemple, on cherche ce que Les Sofilanthropes nous proposent de vraiment neuf. Périard a une voix enfumée agréable et on aime les clins d'oeil historiques, philosophiques et mythologiques, mais le disque manque d'audace et bénéficierait de meilleures mélodies. En concert ce soir avec Bad Uncle au bar Jackie & Judy, 6512 avenue du Parc, 21h.

P. P.


Les Sofilanthropes - L'Okanagan


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Compilation

Putumayo Presents Latin Beat

Artistes variés

Putumayo

Avec African Beat, ce disque marque le lancement de World Beat, une autre série putumayenne qui explore les mélanges entre traditions et musiques urbaines. Électro, hip-hop, soul, rock et pop y sont donc mariés à la cumbia, au son cubain, à la trompette mariachi et à plusieurs autres sonorités. Si le label a retenu plusieurs artistes prometteurs, des genres comme la nueva cumbia de Buenos Aires, le tango electronico ou de nouvelles tendances paulistes n'y apparaissent pas. En résulte un disque à l'écoute facile, révélant plusieurs bonnes découvertes. La Charanga Cakewalk habille sa cumbia de beats, de piano et de cuivres. Moneda Dura rappelle Chan Chan avec la voix d'Ibrahim Ferrer. Edesio plonge dans l'électro jazz cubain et le chant vrai. Sarazino syncope plus rapide que le reggae. Les Italiens de Calle 66 intègrent des percus afro-cubaines. À défaut de grandes aventures, Latin Beat renferme au moins une joyeuse cohérence.

Y. B.


Edesio Feat, Adriano Rodriguez - Echale Guarapo


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Réédition

Difficultés temporaires

«N'ajustez pas vos appareils!»

Artistes divers

Disques XXI

Ces deux disques ici réunis croupissaient dans les bacs d'usagés, entre les blagues de Salconi l'Italien et le bel organe de Lucien Hétu: il m'a fallu longtemps avant de comprendre qu'il s'agissait d'enregistrements de spectacles organisés par l'UDA en 1959, pendant la fameuse grève des réalisateurs de Radio-Canada. Jean Duceppe ne parlait que de «difficultés temporaires» dans son mot du verso de la pochette. Même les numéros des spectacles évitaient le sujet, mais quels numéros! Lucille Dumont jazzant Avec ces yeux-là, Raymond Lévesque évoquant le vrai monde dans Les Beans à m'lasse, Dodo et Denise raillant le snobisme dans le showbiz, Olivier Guimond et Paul Desmarteaux rééditant leur sketch à rallonge «Jos Cipius» (ça rit, le théâtre Her Majesty's en est secoué!), ces disques sont de véritables condensés d'époque, et leur réédition conjuguée, alors que l'on célèbre les 75 ans de la boîte, est plus que bienvenue.

Applaudissons.

S. C.


Les beans à m'lasse, Raymond Lévesque, en direct du Her Majesty's dans un spectacle-bénéfice de l'UDA en 1959


À voir en vidéo