Disques - Vulgaires Machins: des airs acoustiques, des airs de bilan

Ils ont déjà fait cinq albums studios — sans compter un premier effort indépendant discontinué —, un disque et un DVD capté en concert ainsi qu'un enregistrement bicéphale avec les Burning Heads. Voici que les vétérans engagés des Vulgaires Machins avaient envie d'un nouveau défi, celui de l'acoustique.
Ce disque, qui porte le nom du groupe, a des airs de bilan. Sur les onze titres qu'il compte, huit sont des pièces existantes du répertoire des Vulgaires Machins. Les trois autres étant des nouveautés aux airs d'état des lieux, particulièrement Et même si. Ça sent la fin chez les Machins?La réponse se trouve probablement au bout du refrain de la très bonne Et même si: «Et même si / on s'est détruit les oreilles/ même s'il ne reste plus rien / même s'il faut se dire adieu / et même si les nuages résistent au soleil / et les mohawks se délavent / mon coeur est encore en feu.»
Le Devoir a rencontré les deux voix du groupe, Guillaume Beauregard et Marie-Ève Roy, dans un café italien où les cadres sont sur les murs depuis si longtemps que même les Ferrari sont bleutées. «Je me suis posé beaucoup en écrivant, raconte Guillaume. J'en jasais avec Hugo Mudie, des Sainte Catherines, et il me disait que quand tu te mets à écrire des pièces qui parlent de ton groupe, c'est que ça sent la fin. Mais je ne m'inquiète pas avec ça. Pour moi ça ne veut pas dire que c'est la fin, et ça ne veut pas dire que c'est un nouveau départ. On avait simplement envie de le faire.»
Le poids des mots
L'idée de cet album acoustique n'est pas née dans un creux d'inspiration, mais plutôt en plein enregistrement de leur disque précédent, Requiem pour les sourds, paru en 2009. «Ça nous permet d'offrir quelque chose de spécial aux fans, dit Guillaume. Sans être obsédé par le changement, c'est quand même un danger après
16 ans de se répéter. Là on se donnait un nouveau défi, en appréhendant le studio avec une nouvelle approche.»
Le plus ardu, confie Marie-Ève, a été de faire le tri dans leur vaste répertoire pour trouver des titres de toutes les époques qui vivraient bien le transfert à l'acoustique. Leur technique? S'asseoir et les jouer, guitare-voix. «Sur les chansons qu'on a choisies, les mélodies ressortent par elles-mêmes. On en a laissé quelques-unes qui marchaient moins, comme La Chasse est ouverte ou Compter les corps, qui ont besoin de l'énergie rock.»
Une fois les amplificateurs éteints, le punk rock du groupe s'est naturellement transposé en diverses teintes de folk. «Pour moi il y a trois autoroutes sur cet album-là, dit Guillaume. Il y a le country, le côté bluegrass et le côté plus folk, comme sur Personne n'a raison. Même que Les Gens de l'Occident a un côté psychédélique, à la Jesus and Mary Chain.»
Aussi, sans le mur de guitares habituel des Vulgaires Machins, on se rend vite compte que les textes du groupe, déjà fortement engagés, prennent encore plus de poids parce que mis en avant-plan. Marie-Ève opine. «La phrase qui m'a frappée, c'est dans L'Escorte. "Je suis le pédophile qui marche autour du parc". Quand je l'ai écouté, ça m'a sauté dans la face, c'était intense!»
Si ce disque acoustique sera sur les tablettes des magasins dès le 13 septembre, il sera disponible en version numérique dès mardi sur le site Internet du groupe. En plus, le téléchargement se fera contre une contribution volontaire, pouvant être 0 $.
N'est-ce pas un danger financier? «Avoir un groupe de musique, c'est un danger financier, rigole Guillaume. Mais c'est un projet spécial, et on a envie que ce soit entendu. Et il y a toute la question du téléchargement dans l'industrie de la musique. On ne peut pas faire autrement que d'essayer de s'adapter à ça.» Comme quoi, même à l'heure des bilans, on peut foncer vers l'avant.