Opéra - Loft story misérabiliste

Marianne Fiset et Antoine Bélanger: un duo déséquilibré dans La Bohème à l’Opéra de Montréal.
Photo: Yves Renaud Marianne Fiset et Antoine Bélanger: un duo déséquilibré dans La Bohème à l’Opéra de Montréal.

La distribution d'un opéra, c'est comme le menu d'un restaurant. On peut se faire une idée, sur le papier, de ce qui va être servi. Celle de La Bohème de l'Opéra de Montréal (OdM) peut susciter deux lectures. La première, bon public, amène à souligner la marque de confiance de l'institution envers de jeunes chanteurs québécois. La seconde, plus cynique, subodore une opération de renflouement de caisses par la programmation d'un blockbuster — qui, quoi qu'il arrive, fera courir les foules — servi par le plateau le plus économique possible. En extrapolant, il s'agirait grosso modo de présenter un spectacle de l'Atelier de l'Opéra au prix des spectacles de l'Opéra de Montréal, soit 117,83 $ le billet de première catégorie.

Si telle était l'idée, il aurait fallu s'arranger pour que le petit tour de passe-passe passe inaperçu. Or, des sept protagonistes, seuls deux ont vraiment leur place sur la scène de Wilfrid-Pelletier dans cet ouvrage: Marianne Fiset et Étienne Dupuis, auxquels on peut ajouter Lara Ciekiewicz, qui fait l'affaire.

Puccini sans ténor? Oui, car il existe une personne au monde, Michel Beaulac, directeur artistique de l'OdM, qui imagine l'élégant Antoine Bélanger capable de chanter Rodolfo à Wilfrid-Pelletier! Bélanger est un Nemorino (L'Élixir d'amour) ou un Don Ottavio (Don Giovanni) ou, assurément, un élégant chanteur d'opérette pour une scène européenne, mais certainement pas un ténor puccinien dans une salle de 3000 places... Et dire que l'OdM fait rebelote en l'envoyant directement au casse-pipe dans Faust l'an prochain. Bélanger a assurément besoin d'un coach vocal qui l'aide à choisir ses rôles.

Face à ce Rodolfo poids plume, Marianne Fiset, avec émotion et assurance, n'a pas de mal à nous faire percevoir qu'elle, au moins, est de taille. Le rôle lui va comme un gant et vient à point dans sa carrière. Étienne Dupuis, est un impeccable Marcello et Ciekiewicz une plus qu'honnête Musetta. Sylvestre réussit correctement son «ode au manteau», mais manque souvent de projection, comme Rancourt. Pietraroia dirige de manière appliquée et séquentielle, sans souffle, une représentation marquée par la direction d'acteurs humaine et très pertinente d'Alain Gauthier (l'esprit de la vie de bohème souffle entre les quatre camarades), hélas placée dans un décor anachronique de loft. On comprend le mal que les protagonistes ont à chauffer l'endroit! Décor visionnaire, d'ailleurs, puisque pour une action censée se dérouler autour de 1830, ledit loft a vue sur Montmartre et sur la basilique du Sacré-Coeur, achevée en 1914!

Les costumes recyclés font l'affaire, à l'exception de l'immonde casquette de Mimi, sans doute oubliée dans les coulisses par la dernière production des Misérables qui passait par là.

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