Vitrine du disque - 8 octobre 2010

Chanson
PHILIPPE KATERINE
Philippe Katerine
Barclay-Universal - Dep
Sur la pochette, Philippe Katerine pose avec ses parents, l'air ahuri. Trois ans d'âge mental. C'est exprès. Dans l'album, il n'arrête pas de répéter les mêmes mots. C'est exprès aussi. Dans la funky J'aime tes fesses, il y a «j'aime tes fesses» mille fois minimum (c'est parfois Jeanne Balibar qui s'y colle). Dans Philippe, un enfant demande et redemande à Philippe comment il s'appelle. «Philippe.» À la fin, Philippe dit: «Ta gueule.» De quoi rendre fou? Mais non. C'est très libérateur. Le degré zéro de l'écriture de chanson. Ça et là, des chansons plus «normales» — notamment l'émouvante Vieille chaîne, où une chaîne stéréo en passe d'être mise à la rue dit adieu à ses disques... — rappellent que l'énergumène peut s'il veut, et que sa présente exploration du minimalisme et de la répétition est un geste. Une manière de traverser l'ironie et toucher la vérité. C'est fou, il y parvient. Et 24 titres durant, on a la banane.
Sylvain Cormier
Philippe Katerine: Vieille chaîne
Monde
MUSIKR
Carlou D
World Village
Révélé dans Positive Black Soul à partir de 2003, il était de ceux qui incarnaient le mouvement Boul Falé de cette génération désespérée aux prises avec la crise économique du Sénégal. Mais sa musique est un alliage de musique afro pop contemporain et de zikr, le chant spirituel du soufisme. Tout cela transparaît dans sa musique. Baye fall convaincu, il est tout comme Youssou N'Dour, mouride et disciple de cheikh Ahmadou Bamba. Il partage d'ailleurs un superbe duo vocal avec You. Il peut se le permettre, car sa voix est l'une des plus riches de la scène dakaroise actuelle. Le sens de l'urgence dans la mélopée mordante, il peut monter dans les aiguës, pénétrer intensément les espaces aérés, accentuer la pulsion dramatique ou se fondre avec finesse dans un folk intime. Il surfe aussi parfois sur des rythmiques plus haletantes, survole des solos de kora, «blues» ou syncope ses cadences, ajoute du piano et se lance vers l'afro jazz. Une vraie révélation!
Yves Bernard
Carlou D: Sam Fall
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Classique
RESPIGHI
Belfagor (ouverture). Balkis, Reine de Saba (suite). Vitraux d'église. Orchestre de la Radio hollandaise, Vladimir Ashkenazy. Exton SACD OVCL 00216 (Allegro)
Grâce à l'importateur Allegro, nous avons accès au label japonais Exton, né sur les cendres de l'étiquette Canyon Classics. Exton enregistre ces temps-ci Mahler à Pittsburgh avec Manfred Honeck (la 4e Symphonie est très attendue). En 2005, les ingénieurs japonais étaient allés en Hollande pour capter ces oeuvres parmi les plus spectaculaires du répertoire symphonique. Le résultat sonore grandiose de ce SACD multicanal est à la hauteur, notamment en matière de dynamique et de richesse du spectre sonore, avec des graves nets et puissants. Ashkenazy rend justice aux déploiements de Belfagor et Belkis, mais reste un peu raide dans les Vitraux d'église. Comme la concurrence (Simon chez Chandos et Lopez-Cobos chez Telarc) est spartiate, on peut se laisser tenter.
Christophe Huss
Respighi: Suite Belkis, Danse guerrière
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Classique
FOLIAS
El Nuevo Mundo - Folias Criollas. Tembembe Ensamble Continuo, La Capella Reial de Catalunya, Hespèrion XXI, Jordi Savall. Alia Vox AVSA 9876.
Parallèlement à un retour au coeur du répertoire baroque, avec Le Concert spirituel, déjà commenté dans ces colonnes, Jordi Savall ajoute un volet populaire à son opération de reconquête de son public le plus large. Il s'intéresse au Nouveau Monde, un filon musical qui a fait ses preuves et a valu fortune et notoriété à l'étiquette française K. 617. Contrairement à Gabriel Garrido, héros des collections de baroque sud-américain de K. 617, Savall et ses troupes — auxquelles s'ajoute un ensemble mexicain spécialiste des musiques traditionnelles — explorent un répertoire profane, fortement teinté de musiques traditionnelles. Il en résulte une parution très colorée, à mi-chemin entre musique savante et folklore mexicain. Le fil rouge est le rythme de la Folia, qui invite à la danse et à l'exubérance. Peu «classique», mais parfait.
C. H.
Folias Criolas Ay Que Me Abraso, par Jordi Savall
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Trashbilly
REBEL WITHIN
Hank Williams III
Sidewalk - Warner
On le saura, le petit-fils du grand Hank Williams lui ressemble comme deux verres de whisky sortis de la même bouteille. Tatouages en sus. À force de se le faire dire, le troisième du nom s'en est façonné un personnage, version extrême du Hank d'origine. L'éternel rebelle en dedans comme en dehors (Rebel Within), le cowboy solitaire loin de son foyer (Lost in Oklahoma), l'épave titubante (Gettin' Drunk and Fallin' Down) qui n'arrive pas à se défaire de ses «crazy ways», Hank III a poussé la génétique jusqu'à la caricature. Ça fait de sacrées bonnes chansons, remarquez, du hillbilly à base de fiddle et de guitare acoustique, joué avec l'attitude d'un groupe de métal hardcore. À cela près que d'album en album, ça se répète. À vrai dire, le gaillard en est rendu à mordre la queue de son propre chien enragé pour écumer de la bouche. N'empêche que j'écoute Drinkin'Ain't Hard to Do, là, maintenant, et le fantôme du papy me regarde. Troublant.
S. C.