Opéra - Une saison de transition sous le signe de l'excellence musicale pour le 36e festival de GlimmerglassFestival de Glimmerglass
Des décors décevants, des mises en scène peu inventives. Pour des raisons économiques, les quatre œuvres de cette 36e saison du festival de Glimmerglass ont été présentées dans un dispositif scénique unique, ce qui a créé des contraintes difficiles à négocier pour les metteurs en scène.
La raideur du décor de Tosca est peu inspirante. Pourquoi le public rit-il lorsque Tosca décrit à son amant l'avenir radieux qui les attend? Alors que Tolomeo est un opéra pastoral, tout se déroule dans l'espace fermé du spectacle précédent dont on retrouve les chaises que trois figurants déplacent continuellement sans raison. Quand les personnages évoquent l'analogie entre leurs sentiments, les vagues de la mer et les brises du vent, on y croit d'autant moins que, entre les murs, l'eau est représentée par un bocal à poisson, un arbre est sorti d'un placard et le vent est provoqué par des ventilateurs. Pour le décor de ferme du Tender Land, les mêmes éléments scéniques sont recouverts d'un crépi qu'on regrette de retrouver dans Les Noces de Figaro: toute poésie disparaît et, de peine et de misère, Leon Major réussit, dans le IVe acte, à créer les quiproquos de situation autour d'une charrette, mais le tout est sauvé par une direction d'acteurs subtile et pleine de trouvailles.Alors que le festival de Glimmerglass se distinguait au fil des années par l'originalité des mises en scène, la saison 2010 aura laissé le spectateur sur sa faim, sauf dans le Mozart. Sans doute les choses changeront-elles quand Francesca Zambello, qui a oeuvré sur les plus grandes scènes du monde, prendra les rênes du festival l'an prochain.
De remarquables distributions vocales
The Tender Land d'Aaron Copland brosse le portrait d'une Amérique profonde, conservatrice et hostile à l'étranger, et décrit le courage d'une jeune diplômée qui, malgré une grave déception amoureuse, réussit à s'arracher à son milieu. En dépit d'une musique dont l'intérêt douteux n'est pas sauvé par la direction monotone de Stewart Robertson, la tête plongée dans sa partition, le public a beaucoup apprécié ce tableau social, et sans doute aussi le travail des remarquables étudiants du Young American Artists Program qui assument la totalité de la distribution. On reverra sûrement Lindsay Russell à qui était confié le rôle-clef de Laurie Moss.
La qualité du plateau vocal des trois autres productions est de niveau international. Mes coups de coeur? Un puissant Scarpia (Lester Lynch); un bouleversant haute-contre, Anthony Roth Costanzo, pour le rôle-titre de Tolomeo, révélé l'an dernier. Le public y a chaleureusement apprécié les qualités dramatiques et vocales de la Québécoise Julie Boulianne, qui n'incarnait pourtant pas le rôle principal (Elisa). Saluons sa remarquable prononciation de l'italien. La distribution des Noces fait merveille, même si la Comtesse a parfois déçu dans les aigus (Caitlin Lynch): le Chérubin d'Aurhelia Varak surprend par son intensité; Mark Schnaible (Almaviva) incarne à merveille un ordre social contesté par tous;
Patrick Carfizzi (Figaro) et Lyubov Petrova (Susanna) forment un couple de rêve dont on épouse à chaque instant les sentiments et les craintes.
Un orchestre dans de bonnes mains
Christian Curnyn, spécialiste du baroque, sait souligner les articulations rhétoriques du Haendel avec des coups d'archet courts et des attaques incisives, servant magnifiquement une partition qui mériterait d'être jouée plus souvent. Depuis l'an dernier, la direction musicale du festival est confiée avec bonheur à David Angus. Sous sa baguette, les cordes du festival jouent enfin juste, et si l'orchestre couvre parfois les voix dans Tosca, ses tempi implacables font des Noces la «folle journée» qu'avait imaginée Beaumarchais. Réussite vocale, mise en scène enlevée, orchestre impeccable: pas étonnant que, des quatre opéras, cette production soit celle que le public de Glimmerglass a gratifiée d'une ovation. Voilà qui vaut le voyage. Le festival se termine le 24 août.
***
Collaboration spéciale