Vitrine du disque - 6 août 2010

Classique
DVORAK
Les Poèmes symphoniques.
Orchestre philharmonique tchèque, Charles Mackerras.
Supraphon SU 4012-2 (Gillmore)
Christophe Huss
Dvorak Holoubek Charles Mackerras
***
Hip-hop-électro
/\/\/\Y/\
M.I.A.
XL Recordings
Si /\/\/\Y/\ transpire la provocation, les babillages adulescents de la rappeuse d'origine tamoule M.I.A. — I'm down like my Internet connexion / I crashed again last night — sont toutefois moins percutants que ceux de ses deux premiers opus, Arular (2005) et Kala (2007). Peut-être parce qu'ils sont moins crédibles depuis son mariage avec l'héritier Bronfman — du Warner Music Group — et son embourgeoisement récent. Ce nouvel album est cependant (encore) marqué, du point de vue musical, par une attitude réfractaire et une profonde envie de se dissocier de l'univers esthétisé de la pop. Électro, hip-hop, bien sûr, mais aussi sonorisation industrielle, hardcore dub, rock, world, house; /\/\/\Y/\ s'inscrit logiquement dans la discographie de la militante et artiste multidisciplinaire. Et avec les collaborations des as des tables tournantes que sont Diplo, Rusko, Blaqstarr, Switch et John Hill, le potentiel de danse est à son maximum.
Émilie Parent-Bouchard
M.I.A.: Story To Be Told
***
Monde
LERO-LERO
Luisa Maita
Cumbancha
Saõ Paulo, ville bouillonnante, continue de livrer ses secrets sur la scène internationale et Luisa Maita en est la nouvelle illustration. C'est l'esprit des anciens passé dans la moulinette de la mégapole, mais subtilement, par fragments. Lorsque des rythmes de base comme la samba et la capoeira sont ralentis ou épurés avec des cordes acoustiques et des percussions discrètes, les sons électro, les textures urbaines et les effets atmosphériques remontent à la surface. On libère parfois les percussions, on salit à peine la musique et on se donne un groove de samba funk, mais cela demeure toujours très mélodique. Si Luisa Maita fait souvent couler sa voix sensuelle, elle peut se laisser aller à une sorte de respiration voilée, chanter avec un sentiment d'urgence, susurrer sur une ballade percutée et s'élever au-dessus d'une bossa déconstruite et très ornementée à la guitare. C'est très brésilien, plutôt contemporain et doucement contagieux.
Yves Bernard
Lero Lero de Luisa Maita
***
Classique
DVARIONAS
Concerto pour violon et orchestre; Pezzo elegiaco (aussi Korngold). Vadim Gluzman (violon), Orchestre de la Résidence de La Haye, Neeme Järvi. BIS 1822.
Il y a quelques semaines, nous vous présentions la musique du compositeur estonien Eino Tamberg, notamment son phénoménal Concerto grosso opus 5 composé en 1956, grâce à un disque enregistré par Neeme Järvi chez Bis. Voici l'opus suivant de Järvi père, redevenu depuis quelques mois le Stakhanov de l'enregistrement musical qu'il fut il y a quinze ou vingt ans. Cette fois encore, la surprise est de taille. Le Concerto pour violon de Korngold, qui reçoit ici une interprétation aussi magique que celle de Shaham-Previn, est couplé à celui de Balys Dvarionas (1904-1972), compositeur letton totalement inconnu en Occident qui nous apparaît, avec sa veine mélodique folklorisante et inépuisable, comme un Khatchatourian des Pays baltes. On ne se lasse pas d'écouter et de réécouter cette profusion de musique en remerciant interprètes et éditeur pour cette découverte.
C. H.
Dvarionas Concerto pour violon
***
Trip-hop
Blood Like Lemonade
MORCHEEBA
[PIAS] Recordings
On l'avoue, on s'était un peu désintéressé du trio anglais Morcheeba après le congédiement de la voluptueuse chanteuse Skye Edwards, à la suite de querelles intestines subséquentes à la parution de la compilation Part of the Process, en 2003. Si Blood Like Lemonade ne réinvente rien à l'univers éthéré du trip-hop, on s'y glisse toutefois comme dans une vieille paire de pantoufles, content de renouer avec la voix de miss Edwards. Ce retour aux sources révèle un album solide, à la hauteur des attentes et dont les textes reflètent avec cynisme et catharsis les relations houleuses entre la diva et les frères Godfrey. Les dix titres de l'album s'écoulent de façon très fluide. Tellement, qu'on en aurait voulu plus que ce que les 45 minutes de l'album ont à offrir. On aime particulièrement le [trop] court bluegrass downtempo Mandala, mais on ne reste pas indifférent à Easier Said Than Done, à Cut to the Chase ou encore à Self Made Man. Un album-miroir équilibré et mature qui efface sept ans de malheur.
É. P.-B.
Morcheeba: Self Made Man
***
Trad
LA VIOLETTE
Michèle Choinière
www.cdbaby.com/cd/choiniere2
Descendante de la migration canadienne-française en Nouvelle-Angleterre au début du siècle dernier, Michèle Choinière suit les traces de la défunte Martha Pellerin que l'on avait connue avec le groupe Jeter le Pont. Franc-Américaine du Vermont, Choinière porte fièrement un répertoire traditionnel et populaire de chez elle, aussi bien que du Québec, d'Acadie et de France, allant même jusqu'à interpréter une pièce de cabaret des années 1920, deux de Piaf et le classique du country Quand le soleil dit bonjour aux montagnes. Elle chuchote, serpente bellement autour des mélodies, pénètre profondément les silences et les complaintes. Mais elle peut faire swigner le reel et la chanson à répondre, d'autant qu'elle est accompagnée par d'excellents musiciens, dont Sabin Jacques à l'accordéon ou aux percussions et Rachel Aucoin au piano impressionniste, dramatique ou rythmique. Un regard unique et senti sur notre histoire.
Y. B.