L'OSM pas assez canadien pour les prix Juno

Les prix Juno, récompensant les meilleurs enregistrements canadiens, seront remis le 18 avril. Dans la catégorie des disques classiques avec «large ensemble», les deux CD de l'Orchestre symphonique de Montréal, encensés partout dans le monde, ont été écartés par le comité de mise en nomination. Motif: le produit n'est pas canadien, car les solistes sont allemands!

Cachez ce Teuton que je ne saurais voir... En matière de tartufferie, le comité de sélection classique des prix Juno a fait très fort. Le fait de déclarer «non admissible» le disque de musique d'Unsuk Chin parce que la soliste du Concerto pour violon, Viviane Hagner, est allemande est «absolument ridicule» aux yeux de François Mario Labbé, président d'Analekta: «Les investissements bénéficient à 99 % à des musiciens canadiens; le disque est enregistré au Canada par une compagnie canadienne et commercialisé partout dans le monde. Que faut-il de plus?»

Un ostracisme savamment ciblé? «C'est curieux, remarque Mario Labbé, James Ehnes, avec une compagnie étrangère, un orchestre étranger, un investissement étranger; ça, c'est correct!», faisant référence à la nomination, en 2008, du Concerto pour violon d'Elgar paru chez Onyx. «Quand il y a un soliste [...], celui-ci devient le facteur déterminant», oppose Chris McDowall, porte-parole de l'organisateur, interrogé par

Le Devoir.

La mise de côté du Chant de la terre de Mahler par Kent Nagano, l'OSM, Klaus Florian Vogt et Christian Gerhaher (sur étiquette OSM ici et Sony à l'export), l'un des plus grands enregistrements de l'histoire de notre orchestre, a autant de quoi interloquer.

Le prétexte invoqué par le comité des prix Juno est similaire: c'est une oeuvre mettant l'accent sur les solistes, et les solistes ne sont pas canadiens. Et tant pis si c'est une symphonie avec voix... À l'OSM, on n'en revient pas. «Nous avons contesté la décision du comité, en vain, dit Lucie Paquin, responsable des relations avec les médias. On s'est même appuyés sur le Grove's [encyclopédie musicale de référence] disant que c'est une oeuvre symphonique.» Mais le comité composé, nous dit l'organisateur, «d'employés de l'industrie phonographique, [...] y compris des représentants des ventes», a été inflexible.

«Nous avons regardé la présentation du disque, la taille et la couleur des caractères. Nous avons vu une parution que nous ne pouvions pas considérer comme canadienne. Aucun regret là-dessus», précise M. McDowall.

«Je ne suis pas à une incongruité près», renchérit Mario Labbé, qui remarque qu'Angèle Dubeau, «l'artiste classique canadienne qui a vendu le plus de disques au pays», glane cette année sa première nomination en 25 ans.

Cette étrange affaire ne fera rien pour redorer le blason des prix et autres académies, où les calculs, l'ignorance et le protectionnisme ont plus de poids que les valeurs artistiques. Tant que l'OSM enregistrera avec le gratin mondial des solistes afin de rayonner internationalement et refusera les compromissions artistiques qui lui permettraient de remporter des hochets à portée locale, tout cela ne portera pas à conséquence.

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