Les Dames en bleu au Festival du nouveau cinéma - L'amour infini des fans

Michel Louvain et une admiratrice dans le documentaire Les Dames en bleu, de Claude Demers
Photo: Films Séville Michel Louvain et une admiratrice dans le documentaire Les Dames en bleu, de Claude Demers

Un chanteur de charme avec 52 ans de carrière derrière la cravate et cinq fans qui l'idolâtrent et rêvent à lui par-delà la routine, les déceptions du quotidien. Les Dames en bleu de Claude Demers qui ouvre ce soir le Festival du nouveau cinéma à l'Impérial, devant un auditoire idéalement vêtu de bleu, explore les passions romantiques que Michel Louvain soulève dans le coeur de ses fans. Le film prendra l'affiche le 16 octobre.

Il fut un temps, dans un Québec en noir et blanc, où les petites ados des années 1960 hurlaient et se pâmaient à la vue du crooner Michel Louvain, qui leur susurrait: « C'est auprès de ton coeur que je trouve le bonheur. » Encore cette année, le chanteur de charme donnera une cinquantaine de spectacles dans les salles de province, les maisons de retraite parfois. Toujours au poste, et portant beau. Délicieux bonhomme, au fait.

La romance dure depuis 52 ans pour plusieurs de ses fans, qui crient de la même voix qu'hier lorsqu'il apparaît sur scène dans son beau costume: « Michel!!!! » Le temps se débobine. Elles ont retrouvé leurs 16 ans, intacts sous les rides et l'embonpoint.

« On est des missionnaires d'amour, assure le chanteur de Louise. J'apporte beaucoup d'amour à mon public, mais comme il me le rend bien. J'aime ça quand les gens m'arrêtent dans la rue, à l'épicerie, à la pharmacie ou quand ils m'envoient la main. Et lorsque le rideau ouvre sur scène, quand leurs voix se mettent à crier, c'est ma drogue. Je reçois une telle énergie. » Prendre sa retraite, pas question, même si parfois la vie de tournée avec les hôtels, les restaurants, mine son gars.

Au départ, Claude Demers voulait faire un film sur Louvain, sa carrière. Il avait interviewé le crooner, sa famille, les gens autour. Mais l'angle du documentaire a changé en cours de route et beaucoup de matériel fut sacrifié. Prendre les fans, essentiellement des femmes, qui vouent un culte au crooner, les faire parler, aborder la carrière à travers le regard posé sur l'icône, le rapport au vedettariat devint la matière des Dames en bleu. Kitsch, cette passion aveugle pour un chanteur de charme? « Oui, mais qui sommes-nous pour juger, demande Claude Demers. On a tous besoin d'être accrochés à une illusion... » Il a évité l'inacceptable: une approche paternaliste. « Enivrez-vous », conseillait Baudelaire...

Michel Louvain l'avoue: « Je ne connais rien au cinéma. » Et le voici catapulté à l'ouverture du FNC, au milieu d'une faune qui n'est pas la sienne. « Mais ce qui m'intéresse vraiment, c'est de voir commet le peuple va réagir en salles de cinéma, quelles seront les critiques des gens de la rue... »

Pour son précédent documentaire: Barbiers: une histoire d'hommes, Claude Demers (cinéaste de L'Invention de l'amour) avait interviewé Michel Louvain chez son coiffeur, à qui il est fidèle depuis 50 ans. Scène qui sauta au montage, car le coiffeur n'était pas barbier. « Mais j'avais dans la tête cette scène entre Louvain, le coiffeur, une dame qui le regardait avec admiration... » Le germe était là.

Après avoir passé des annonces, 200 admiratrices de Louvain se sont manifestées. « J'ai fait des entrevues téléphoniques pour conserver des histoires de vie derrière la passion pour le chanteur, avec un potentiel dramatique. Dès que le nom de Michel Louvain était prononcé, plusieurs m'ont confié des choses incroyables, des tragédies familiales. Je ne les ai pas gardées. Ces parties-là colleraient davantage au cinéma de Robert Morin... » Cinq admiratrices en vedette, 70 heures de tournage, 18 semaines de montage... Alors, voici!

Il y a Lorraine, la chanteuse quadragénaire qui le suit de show en show, depuis que Louvain lui a pris la main quand elle était enfant pour l'accompagner un moment. Madame Beaupré, cette femme qui collectionne tout sur lui, qui veut lui dédier un musée et qui désire avoir une photo de son idole dans le tiroir de son cercueil. La vieille mamy, nonagénaire, considère Louvain comme son fils. Margot tricote pour les sans-abri et sa vie difficile renaît à l'écran. Mieux vaut rêver parfois...

Ce rapport des admiratrices avec Michel Louvain, Claude Demers le voit comme une sorte de roman Harlequin, avec une dimension feuilleton, auxquels les soaps qu'elles écoutent à la télé font écho dans le film. Le cinéaste salue la candeur de ces femmes, explore la faille humaine...

« Jamais, aucune de mes admiratrices ne m'a posé une question sur ma vie privée, assure Michel Louvain. Elles veulent me voir comme une icône. » Le crooner précise que les hommes sont de plus en plus nombreux depuis dix ans à accompagner leur épouse à ses spectacles. Devenu un classique pour son public, en somme.

Claude Demers a eu accès à des documents d'archives de Radio-Canada, TVA ayant détruit son propre matériel. Mais madame Beaupré avait conservé une émission: Le Bal de Sissi, où Louvain dansait en costume avec une belle dame comme s'il était l'empereur d'Autriche François Joseph. Cet extrait, particulièrement romanesque, apparaît dans Les Dames en bleu.

Michel Louvain respecte son public. Le film est à mille lieues d'une fiction à laquelle on ne peut s'empêcher de le comparer: Parlez-nous d'amour de Jean-Claude Lord, coscénarisée avec Michel Tremblay. En 1976, l'acteur animateur Jacques Boulanger, alors idole de ces dames, y tenait son propre rôle. Le film, par ailleurs remarquable, ridiculisait les fans de Boulanger avec une violence et un cynisme inouïs. Il valut à celui-ci une longue éclipse de carrière tant ses admiratrices lui en ont tenu rigueur. « Je n'aurais jamais pu faire ce genre de film avec Michel, explique Claude Demers. Il est si courtois avec ses admiratrices. » Toujours, fatigué ou pas, on le voit bien dans le film, le chanteur s'est prêté aux photos et aux séances d'autographe après ses spectacles. « Mais le documentaire m'a fait comprendre l'ampleur de la passion que ressentent certaines admiratrices, confesse Michel Louvain. Et ça m'a beaucoup ébranlé. Je ne réalisais pas que les choses allaient si loin. Impossible manifestement de hausser le ton, même épuisé. Il ne faut jamais briser un rêve. »

Michel Louvain respecte son public. Le film est à mille lieues d'une fiction à laquelle on ne peut s'empêcher de le comparer: Parlez-nous d'amour de Jean-Claude Lord, coscénarisée avec Michel Tremblay. En 1976, l'acteur animateur Jacques Boulanger, alors idole de ces dames, y tenait son propre rôle. Le film, par ailleurs remarquable, ridiculisait les fans de Boulanger avec une violence et un cynisme inouïs. Il valut à celui-ci une longue éclipse de carrière tant ses admiratrices lui en ont tenu rigueur. « Je n'aurais jamais pu faire ce genre de film avec Michel, explique Claude Demers. Il est si courtois avec ses admiratrices. » Toujours, fatigué ou pas, on le voit bien dans le film, le chanteur s'est prêté aux photos et aux séances d'autographe après ses spectacles. « Mais le documentaire m'a fait comprendre l'ampleur de la passion que ressentent certaines admiratrices, confesse Michel Louvain. Et ça m'a beaucoup ébranlé. Je ne réalisais pas que les choses allaient si loin. Impossible manifestement de hausser le ton, même épuisé. Il ne faut jamais briser un rêve. »

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