Louise Forestier au National - Éphémère, intemporel et motorisé
Une première médiatique un vendredi soir? Deuxième fois en deux semaines: Martin Léon le 23 janvier, puis Louise Forestier vendredi dernier, au National. C’est la récession, j’imagine. D’ordinaire, ça se passe un mardi, un mercredi, les critiques paraissent à temps pour la salve de spectacles du weekend. Faut croire qu’en ces temps reserrés de la ceinture, on ne prend pas de chance.
On devrait, pourtant. Louise Forestier au National vendredi (et samedi, son deuxième soir), c’était formidable. Vivement des supplémentaires, que vous assistiez à ça. À ce paradoxe vivant qu’était cette soirée où la formidable Louise était accompagnée par le band dont fait partie son Alexis Dufresne de fils («mon fils unique préféré», a-t-elle précisé): le formidable El Motor. Additionnez les formidables, ou plutôt multipliez-les, car c’est plus que la somme des parties: c’était une expérience. Concluante et mémorable.L’expérience de la rencontre entre un groupe de jeunes gars qui jouent du rock comme en 1969-1971 (organique manière The Band, un brin prog au besoin) avec une chanteuse qui a justement connu le succès à cette époque-là, qui en a gardé la fougue et le chien mais qui porte tout aussi fièrement son âge et le sacré bagage qui vient avec. Une chanteuse exceptionnelle, faut-il préciser: le timbre, le sens de la mesure et de la démesure, la transparence émotionnelle, l’art de la nuance chevillé au corps, elle a tout. Et un band exceptionnel, faut-il préciser: la cohésion, la puissance, la finesse, le groove, l’art de la modulation, ils ont tout itou.
Saisissant décor
Sur fond de décor saisissant de forêt d’hiver, Louise Forestier et El Motor ont évolué en terrain commun: dans l’éphèmère, l’intemporel et le motorisé. Éphémère parce que c’est le titre de l’album que Louise a enregistré avec son Alexis et compagnie, album donné quasi intégralement, et parce que le bonheur de cette rencontre est à saisir pendant qu’il passe. Intemporel parce que Louise était en même temps la fille de L’Osstidcho de La Marche du président et de Lindberg (immenses versions!) et la femme d’aujourd’hui qui admet qu’elle a trouvé «dans un chien» ce qu’elle a «cherché dans l’humain» (J’aime un chien), chantant ses mots sur du Catherine Major (Y avait-il quelqu’un) autant que sur du François Dompierre (La Saisie, son hymne national). Intemporel parce que ce groupe à l’allure de collégiens yéyés dans leurs lainages noirs et chemises blanches n’en était pas moins un groupe de maintenant, jamais rétro, intemporellement pertinent. Motorisé? Parce que ça roulait franc et que ça mordait dans la glace.
Qui plus est, expérience pour expérience, c’était une véritable première. «Le spectacle, je le rode ici!», s’est exclamé Louise Forestier, pas peu fière de se distinguer des premières montréalaises à police d’assurance de deux-trois mois de tournée préalable. Ça ajoutait pas à peu près en fraîcheur et en immédiateté à l’affaire, tout le monde marchant nerveusement mais jouissivement sur ce «fil de fer» dont elle parle dans Éphémère: «Éphémère, / Sur son fil de fer / Comme elle est légère». Le risque, y a que ça de vrai. Même en famille.