Concert classique - Lefèvre homéopathique

L'amphithéâtre de Lanaudière a été heureusement épargné par les orages de samedi à l'occasion de sa «Journée autour du piano avec Alain Lefèvre». On espère que les spectateurs présents (2000 dans l'après-midi et 4000 en soirée, selon la direction du festival) n'ont pas été trop surpris de la présence musicale homéopathique du héros du piano québécois.
Il est vrai qu'Alain Lefèvre est porte-parole du Festival de Lanaudière (on appelle cela «ambassadeur artistique» maintenant) et qu'il prend au mot — si j'ose dire — les attributions de sa fonction. Lorsqu'il «partage la scène», lors du concert de samedi soir, sa générosité est débordante, puisqu'il ne se présente que dans l'une des quatre oeuvres au programme: le Concerto pour trois pianos, oeuvre archimineure de Mozart, sauvée par un très beau second mouvement et quasiment enterrée par un Finale indigne du compositeur.Lefèvre et ses collègues, Jimmy Brière et Marie-Hélène Trempe, achevant ainsi la soirée, en ont tiré ce qu'ils pouvaient. L'Adagio, notamment, fut un très beau moment, tout en subtiles nuances. Mais la tâche était rude après le Concerto BWV 1060, de Bach, joué par Maneli Pirzadeh et Daniel Moran, moment remarquable de la soirée, avec une excellente manière d'habiter le son et un jeu en duo plus complice et plus raffiné que l'enfilade de notes entendue en première moitié du concert.
Pirzadeh et Moran nous ont livré un second mouvement au phrasé magnifique, accompagnés avec attention et discrétion par un ensemble ad hoc, mené par Olivier Thouin et bien dirigé par Daniel Myssyk.
Cet orchestre qui jouait debout a été aussi un fiable partenaire pour Richard Raymond et Katherine Chi dans le Concerto pour deux pianos, de Mozart (autrement plus substantiel que le «trois pianos»), et pour les quatre pianistes (Chi, Brière, Zusko, Li) du BWV 1065, de Bach. Dans toute cette première partie, les mots d'ordre étaient volubilité et rigueur rythmique. Seul moment sortant de cette assez efficace routine: la transition, aux quatre claviers seuls, entre le second et le troisième mouvement du concerto de Bach.
Succès populaire, donc, pour une sympathique initiative visant à réunir sur scène, en après-midi puis en soirée, un maximum de talents pianistiques du pays. Alain Lefèvre, qui a longtemps été ici dans l'ombre d'autres, a voulu offrir la lumière à ses confrères, attitude pour le moins noble. La classe est une qualité qu'on rencontre assez peu en musique et en ce bas monde. Alors, saluons-la avec respect...
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FESTIVAL DE LANAUDIÈRE. «Alain Lefèvre partage la scène».
Bach : Concertos pour deux pianos BWV 1060 et quatre pianos BWV 1065. Mozart : Concertos pour deux et trois pianos K. 365 et 242. Katherine Chi, Jimmy Brière, Darette Zusko, Ang Li, Richard Raymond, Maneli Pirzadeh, Daniel Moran, Marie-Hélène Trempe et Alain Lefèvre (pianos), Orchestre du Festival, Daniel Myssyk. Amphithéâtre, samedi 19 juillet.
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Collaborateur du Devoir